19. Turquoise

Me voici à nouveau avec un blog!

Et oui, cette fois, je veux parler de la couleur dans ma vie. Depuis que je suis toute petite, mes yeux se mettent à briller lorsque je vois des couleurs vives. Cela se voit aussi à ma décoration intérieure et à mon style vestimentaire. Les gens me voient venir de loin. On dit parfois que les vêtements font l'homme, mais avec moi, ce sont les couleurs qui me font.

Mes couleurs préférées sont le jaune, le rouge (foncé), l'or et l'orange. J'ai toujours été attirée par la chaleur, et ces couleurs chaudes me donnent du courage pour continuer à avancer, et de l'énergie pour continuer à fonctionner.

Je suis parfois triste devant les intérieurs dépouillés, les rideaux noirs et les pièces où tout est d'un blanc immaculé. Je ne m'y sens pas chez moi. Noirs, blancs, pour moi ils irradient la froideur. Ils me donnent littéralement des frissons.

Cette année, je suis mariée depuis 18 ans, et n'oublions pas la relation entre les chiffres et le turquoise. Il s'agit d'une couleur indienne populaire. Le dieu hindou Krishna est représenté avec cette couleur. La turquoise est un symbole de santé, d'équilibre et de stabilité. Ces trois mots ont été très centraux dans ma vie ces derniers mois: trouver l'équilibre et la stabilité dans mon processus d'adoption et aussi la (non-)santé avec laquelle j'ai lutté pendant la maladie d'Anne-Michèle. Je devais prendre soin de moi pour pouvoir soutenir Anne-Michèle autant que possible.

18 ans de mariage... Cela semble une éternité mais je me souviens du jour de mon mariage comme si c'était hier. J'ai été habillée par une dame indienne, elle m'a aidée à draper mon saree de couleur or, qui a été terminé en bordeaux. Juste avant, j'étais allée chez le coiffeur qui m'avait fait une coupe courte et moderne avec mes fleurs préférées: les célosias. Ces fleurs d'un rouge profond s'accordaient parfaitement avec ma tenue. Mon futur mari attendait nerveusement à la porte du magasin de chaussures de mon père. Ses yeux ont brillé à mon apparition. Il savait que j'allais m’habiller en style Indien, mais il n'avait aucune idée de ce que serait mon choix final. J'ai été soulagée quand il a fait un signe de tête approbateur. Mes genoux se dérobant, j'ai marché avec lui jusqu'à l'église, qui se trouvait à deux pas de la maison de mes parents. Pourquoi est-ce que je tremblait autant? Pourquoi j'avais les mains collantes? J'avais terriblement chaud. Certains nerfs ont dû me jouer des tours, mais maintenant je comprends aussi: se marier en vêtements traditionnels indien n'etait pas si evident. Je me suis alors surpassée, je me suis plongée dans ma culture indienne et sans m'en rendre compte, j'ai déclenché mon subconscient. Finalement, cela ne devait pas être un grand pas, mais plutôt la chose évidente à faire, car du sang indien coule dans mes veines. La cérémonie s'est déroulée sans encombre et mes enfants d'honneur d’origine indien, à qui j'avais également fourni des tenues traditionnelles, se sont comportées de manière exemplaire.

La veille, nous sommes allés à l'hôtel de ville. Il était initialement prévu que tout se déroule sur une seule journée, mais nous avons déplacé le mariage civil pour des raisons administratives.

Aujourd'hui, le lundi 25 juillet, c'est aussi le 41e anniversaire de mon arrivée en Belgique. Chaque année, je me sens mal à l'aise ce jour-là. Cette année, je suis moins affectée et je me sens plus équilibrée. Etienne et Viviane, le couple qui m'a fait venir en Belgique, m'ont rendu visite à la maison la semaine dernière. La rencontre avec mon mari et mes enfants a été très agréable. Quand ils sont partis, les larmes ont coulé. J'ai senti que ces personnes étaient très importantes pour moi. Ils m'ont pris dans leurs bras avant que mes parents ne puissent le faire. Pour moi, ils sont une pièce de puzzle d'une énorme valeur. Ils m'apportent l'équilibre d'une manière ou d'une autre, y compris le jour d’aujourd’hui, ma journée d’arrivée.

En même temps, je ne veux pas fêter mon anniversaire aujourd’hui. Je ne fête plus que ma vie a changé radicalement. Pendant des années, j’ai fêté 2 anniversaires: mon soi-disant vrai anniversaire et mon anniversaire de mon arrivée en Belgique. Normalement, j’ai mon anniversaire administratif au mois d’août, mais je ne fêterai plus ça non plus. Je mets plus d’attention aux dates que j’ai pu choisir: mon mariage, la naissance de mes enfants, … Et je fête ma vie, tous les jours.

Mariage à l'église le 17 juillet 2044
Viviane, moi et Etienne
Célosia, une de mes fleurs indiennes préférées

18. Even helemaal weg…

Après six mois de journées chargées (en émotions), je suis allée en Croatie pendant une semaine avec mon mari.

Juste avant notre départ, nous avons été invité à une garden-party chez des amis. Et y allant je pensais pouvoir m’y déconnecter et y avoir l'esprit libéré du problème de l’adoption. Cela m’est impossible il est réapparu lorsque j'ai rencontré un père adoptif avec sa fille chinoise. Et oui, je suis dans une phase où ce thème récurrent ne me quitte pas; je me lève et je me couche avec.. Une amie l'a formulé ainsi : "An Sheela, tu respires l'adoption."

Les dernières semaines de l'année scolaire ont été intenses. J'ai aussi participé à des réunions au niveau flamand pour arriver à donner une orientation positive à l'adoption en Flandre. Les réunions et les discussions ont été nombreuses et ont nécessité une certaine préparation. Les personnes qui lisent mon blog, et qui veulent donner leur avis pour améliorer les relations entre les parents biologiques, les adoptés et les parents adoptifs peuvent toujours m'envoyer un message.

En outre, je voudrais m'attarder sur le regard que je porte sur mon adoption après 6 mois. Depuis mon dernier voyage en Inde, j'ai souvent senti mon cœur battre la chamade ou ma sueur perler sur mon front, à des moments déclenchés, par exemple, par la vision d'un film indien. Mais la volonté et la force de trouver quelque chose de positif dans un film sur le trafic de prostituées en Inde m'ont fait réaliser que j'avais "franchi" plusieurs étapes dans ma quête de moi-même. Alors qu'auparavant, j'aurais pleuré toutes les larmes de mon corps, sans savoir d'où cela venait, je peux maintenant mettre le doigt sur les raisons profondes de cette réaction physique. Mon lien avec ma patrie est ancré dans mes gènes. Un certain Père Delooz (fondateur de l'agence d'adoption De Vreugdezaaiers) avait l’habitude de dire aux futurs parents adoptés: "Les enfants sont comme ils sont". Je crois que chaque être vivant réagit de manière différente. Les gènes et l'impact environnemental nous influencent. Même si, à mon avis, l'influence des gènes prévaut.

Mon cœur battait plus vite chaque fois que j'entrais dans un restaurant indien avec des amis ou des connaissances. J'abordais chaque nouvelle rencontre avec curiosité. Et ma tristesse a commencé à s'estomper. Je me suis sentie très mal, surtout après le décès de ma meilleure amie Anne-Michèle. Une thérapeute, également adoptée, à qui j’ai pu parler de cette souffrance m’ a beaucoup aidée à retrouver mon équilibre psychologique. Ce n'est qu'avec cette thérapeute que je me suis sentie en sécurité et que j'ai pu m’ouvrir, car je savais qu'elle, plus que quiconque, comprenait ce que signifie être adoptée. Des séances de massage, des promenades m’ont également beaucoup aidée.

En juin, je me suis rendue au Parlement fédéral accompagnée par des adoptés de différents pays où les députés ont reconnu à l’unanimité l’illégalité de certaines adoptions, ce qui m'a touché au plus profond de moi-même. Les heures et même les jours que j'ai consacrés à la préparation de cette importante résolution ont été récompensés en ce grand jour. Le fait qu'Etienne (mon père cigogne) et sa femme Viviane soient aussi présents m'a donné un peu de paix. Mais ma meilleure amie Anne-Michèle m'a énormément manqué. Pourtant, je reste reconnaissante pour ce qu'elle m'a apporté et m'apporte encore, même maintenant si elle est partie. Des larmes ont coulé sur mes joues lorsque les résultats du vote sont apparus sur le tableau.. Un mélange de tristesse, de reconnaissance et de joie m'a envahie. J’ai mis des jours à me remettre de mes émotions. Je n'étais pas seule. Plusieurs personnes se sont occupées de moi.

Dans les semaines qui ont suivi, j'ai terminé mon année scolaire et j'ai attendu avec impatience mes vacances. Je comptais les jours avant mon voyage en Croatie. Pour la première fois en trois ans, je partais en vacances seule avec mon mari. Dans l'avion, j'ai regardé par le hublot et je me suis dit : "Bonjour, Anne-Michèle, maintenant je suis plus près de toi, plus près du ciel” J'ai dû repenser au livre que Saartje m'avait recommandé: « Le conte de la mort »Ce livre m'a apporté la paix quelque part. Parce que la mort n'est pas une fin, c'est le début de quelque chose de nouveau. En ce moment, c'est la seule pensée qui puisse m'apporter un peu de réconfort.

En Croatie, je prends du temps pour mon mari, mais aussi du temps pour découvrir les environs:

La côte est à couper le souffle, avec des baies cachées entre les rochers. C’est idyllique. Nous marchons par 32 degrés C°, une épreuve pour le corps qui n'est pas habitué à fonctionner à ces températures. Porec est magnifique et nous nous détendons sur une terrasse avec vue sur la Mer Adriatique. Qu'est-ce qui me manque? Qu'est-ce qui me remplit de joie? Comment trouver cet équilibre entre les hauts et les bas? Un moment pour moi... Un moment loin de tout...

Nous nous amusons, nous ne sommes pas obligés de faire quoi que ce soit, nous n'avons pas de programme planifié mais nous ne sommes pas non plus le genre de personnes qui passent 5 jours allongés au soleil au bord d'une piscine. Le 7 juillet, cependant, nous avons planifié un voyage vers l'intérieur. Des touristes de différents hôtels y participent. Nous avons parlé français ou anglais et sommes entrés en contact avec des gens sympathiques. Deux dames attirent l'attention. Elles sont originaires du Royaume-Uni et sautent en l'air lorsqu'elles entendent que Boris Johnson vient de démissionner. C'est à ce moment-là que nous avons commencé à parler et il est apparu qu'une des femmes était une mère adoptive. Je suis perplexe. Chaque rencontre a sa raison d'être, et celle-ci, je ne l'ai pas vue venir. Peut-être que je n'étais pas tout à fait partie après tout...