6. Mon rêve: réalité ou fiction?

Samedi, 26/3/2022

Dans 1 semaine, 7 jours, 173 heures, 10000 minutes et environ 600000 secondes, je remettrai les pieds en Inde.

Via Mumbai, Iris et moi, nous rendrons à Patna (dans le Bihar). Le dimanche 3 avril, dans la matinée, nous atterrirons dans l'état où se trouve mon premier orphelinat pour enfants où j’ai été.

L'excitation monte, tout comme l'envie de partir. Après le décès de ma meilleure amie, Anne-Michèle, il m'a fallu des semaines pour exprimer la plus grande tristesse. Je n'arrivais pas à structurer mes pensées, j'avais du mal à me souvenir des informations et il était extrêmement difficile d'organiser un emploi du temps. Heureusement, je pouvais compter sur des personnes fantastiques autour de moi, qui comprenaient mon profond chagrin, qui m'emmenaient manger au restaurant, et surtout: qui respectaient mon rythme. Perdre Anne-Michèle, c'est comme perdre une grande partie de moi-même. Même si je savais que sa maladie ne pouvait être guérie, le fait d'avoir tout donné pour elle pendant 18 mois m'a d'abord rassuré car je n'avais rien à me reprocher. Deuxièmement, l'effet sur mon corps et mon cœur ne devait pas être sous-estimé.

Mais aussi grâce à elle, j'ai maintenant un nouveau défi: ma recherche de la vérité, ma recherche de ma famille.

Depuis toute petite, je rêve de l'Inde, je rêve de rencontrer ma famille, ma mère indienne qui m'a portée pendant neuf mois et m'a donnée la vie. Pendant des années, j'ai vécu dans “une cloche”: dans le mode de vie européen, la culture belge qui ne correspond peut-être pas à 100% à mon vrai moi, mon moi qui a été partiellement caché dans le subconscient. J'étais la première personne de couleur de mon village, j'ai avalé de nombreuses remarques sur mon apparence. Mais je ne pouvais pas paraître faible: je n'ai donc pas réagi et me suis adaptée, toute ma vie. La An que vous avez appris à connaître n'est pas tout à fait la même que la An Sheela d'aujourd'hui. Le besoin de me connecter réellement avec l'Inde prend de plus en plus place. Même si je suis consciente que cette mission n'aboutira peut-être pas encore au résultat souhaité, je suis déterminée à aller le plus loin possible. Et avec Iris à mes côtés, je suis sûre que nous franchirons de nombreuses étapes importantes.

Iris et moi allons partir sans programme détaillé. Nous verrons sur place quelles informations nous obtiendrons et quelles mesures nous prendrons. Entre-temps, nous voulons prendre le temps de visiter Bodhgaya et Nalanda, entre autres. Nous essaierons de vous tenir informés de nos aventures par le biais de ce blog, même si nous ne sommes pas sûres d'avoir un accès facile à Internet.

Pour ceux qui me suivent et qui ont lu mon texte précédent sur mon rêve: j'ai vraiment fait ce rêve, ce n'était pas une simple histoire. Grâce à Saartje, qui m'a sérieusement guidée pour rendre la perte d'Anne-Michèle plus supportable, j'ai reçu quelques explications sur mon rêve. Mes yeux se sont écarquillés lorsque j'ai découvert toutes les explications qu'elle a données. Je vous laisse la liberté de vous faire votre propre idée de ce que j'ai vécu dans mon subconscient et de la signification que cela peut avoir :

  • L'avion: représente une recherche de liberté psychologique, l'ascension vers une nouvelle façon de penser.
  • Le retard dans le départ de l'avion: le temps n'est pas encore totalement mûr pour cette transformation psychologique.
  • Escaliers: font référence à un effort:
    • Vers le bas : retour dans le passé
    • Vers le haut : vouloir améliorer les choses
  • Le verre: c'est la frontière entre l'au-delà et la vie ordinaire.
  • Poissons: connexion avec l'émotionnel mais aussi avec le côté sage de vous-même, ils sont aussi un symbole de prospérité.
  • Flash de lumière: symbolise le développement de l'intuition ou de la perspicacité.

Que pensez-vous de cette analyse? Qu'est-ce que vous me souhaitez?

Après 40 ans, aller enfin vers ce dont je rêvais mais que je n'ai jamais osé dire, c'est une victoire en soi pour moi!

Remerciement:

J'ai écrit ce texte avec l'aide de Coline Fanon (traduction) et Saartje Verhoest (analyse de mon rêve).

Je tiens à remercier ma Mimi (Anne-Michèle) pour tous les textes précédents, elle m'a accompagné pour lancer tout ce qui concerne mon adoption, elle a passé des heures et des heures à m'écouter et à m'encourager. Elle a patiemment relu toutes mes traductions. Avant son décès, elle a contacté Coline pour prendre la relève. Je n'en savais rien. Jusqu'au jour où je lui ai demandé de vérifier mes traductions. Des larmes ont coulé sur mes joues lorsque j'ai entendu qu'elle s'acquitterait de cette tâche avec dévouement, car Mimi s'en était déjà chargée. Coline ne le ferait que si je le lui demandais. Le destin a-t-il aidé ici? En bref, Anne-Michèle est une amie qui a parcouru un long chemin avec moi. Et elle restera dans mon cœur pour toujours, reconnaissante pour tout ce qu'elle m'a apporté. Mon étoile scintillante, 4-ever.

5. Un rêve spécial

Ce texte est dédié à Anne-Michèle, ma meilleure amie. Elle a quitté la terre récemment après un long combat contre le cancer…

Ma chère Mimi, ma BFF,

Après une nuit agitée, je me suis réveillée ce matin, couverte de sueur.

Quel rêve étrange j'ai fait…

Ma collègue Laura m'avait emmenée à Rome, pour me changer les idées après ta mort, Mimi. Sa famille et la mienne sont montées dans l'avion. L'aéroport était un bâtiment avec plusieurs étages et avec des murs qui dépassaient. L’architecture me faisait penser au style d'Ensor. J'avais l'impression de voler dans le bâtiment, une sensation bizarre.

L'avion a été retardé. Pas très agréable quand on sait que le bébé de Laura n'avait que quelques mois. Mais nous sommes finalement arrivés en toute sécurité dans un immense parc de vacances. Nous nous sommes retrouvés dans un immeuble avec des escaliers en verre. Notre appartement était spacieux, mais il y avait aussi de nombreux escaliers entre les différents espaces de vie.

Je suis passée d'une pièce après l'autre et les enfants se sont installés. Puis nous avons décidé d'aller dehors. Nous sommes allés parmi les gens. J'ai ressenti la pression des personnes qui m'entouraient, mais je n'ai pas pu déterminer quelle pression exactement. Nous sommes allés manger quelque chose dans un restaurant, puis nous avions continué à explorer la région. La disposition du parc était très variée: une plage que l'on pouvait atteindre par des escaliers, mais où des niveaux intermédiaires permettaient aux touristes de se détendre autour d'un jacuzzi ou d'un sauna. Plus bas, les escaliers se séparent et nous pouvions choisir de marcher plus loin vers la plage ou de retourner à la route principale du parc.

J'avais perdu la notion du temps et nous allions prendre un verre. Nous avons même fait un pas sur la piste de danse. Puis tout le monde est allé dormir. J'ai souhaité une bonne nuit à Laura. Mais elle m'a quand même invitée à jeter un coup d'œil dans son appartement. C'est comme si un nouveau monde s'ouvrait à moi. A l'intérieur, il y avait un nombre énorme d'aquariums. Des modèles larges, longs, hauts, grands et petits ornaient l'appartement. J'étais en pleine admiration devant tant de beauté, car je sais que toi aussi, Mimi, tu aimais les poissons dans ta décoration. Mais toi, tu préférais des poissons décoratifs non-vivants, parce que tu étais d’avis que maintenir un aquarium demandait trop de travail. Je suis partie en me sentant légère et satisfaite, prête à passer une nuit paisible. Mais rien n'était plus éloigné de la vérité: je me tenais devant mon appartement, et j'ai rapidement jeté un coup d'œil à la porte de l'appartement de Laura. C'est comme si cette porte s'était soudainement ouverte et que son appartement était apparu à côté de mon escalier en verre. L'appartement s'est agrandi en hauteur, il y a eu des aquariums supplémentaires, tout était baigné d'une énorme lumière. C'était toi, Mimi? Est-ce que ton âme m'a illuminée à ce moment-là? J'ai profité du moment et j'ai tout absorbé: ta force, ta lumière, ta foi en moi. Le chant angélique s'est estompé, tout comme le flash de lumière. Maintenant, j'étais prête à aller dans ma chambre. J'ai ouvert la porte et je suis tombée sur une pièce remplie d'animaux. Il y avait une branche épaisse avec de nombreuses branches latérales. Sur chaque branche latérale dormait un bébé chaton. Qu'est-ce que c'est encore? J'ai à peine osé les toucher, car mes bras étaient guidés par toi, Mimi. Et comme tu détestais les chats, je ne pouvais pas me permettre d'en caresser un. J'ai laissé le gigantesque arbre d'intérieur pour ce qu'il était et j'ai finalement réussi à me glisser dans mon lit. Pourtant, je n'arrivais pas à dormir et je suis retourné à la cuisine pour boire un verre. L'arbre d'intérieur avait disparu mais maintenant mon appartement était rempli de chiens. Tous ces chiens couraient dans tous les sens. Ils n'ont pas fait de bruit, ils n'ont pas aboyé mais leurs yeux fixaient le néant. J'ai caressé certaines de leurs têtes et j'ai pensé que c'était tellement triste pour eux d'être enfermés dans un appartement. J'ai ouvert la porte et ils ont tous couru vers la liberté. Avec un sentiment de soulagement, je me suis replongée sous les draps et oui, je me suis endormie.

Le lendemain, après le petit-déjeuner, ma famille et la famille de Laura sont retournées au parc. Nous voulions aller dans la zone où vivent les animaux. En descendant, Laura avait accidentellement laché son landau. Le landau a dérapé sur la pente mais personne sur le chemin ne l'a attrapé. J'ai paniqué et j'ai couru après, mais mes jambes n'ont pas vraiment coopéré. Finalement, j'ai atteint le bas de la pente et j'ai vu une dame prendre un landau, sortir l'enfant et s'éloigner. Ma tête était comme court-circuitée: cette dame allait-elle voler l'enfant de ma collègue? Oh mon Dieu! Je ne pouvais pas laisser faire ça. J'ai couru vers la dame, mais elle avait disparu dans la zone des animaux. Haletant, j'ai réussi à la prendre par le col et à la retourner. La dame blonde m'a regardé, stupéfaite. Le bébé dans ses bras était le sien, mais la fille de couleur qu’elle avait à sa main m'a fait signe. Un sentiment étrange m'envahit. Est-ce que je rêvais, ou est-ce que mon corps me disait que quelque chose n'allait pas ici? Le signal de la fille a traversé tout mon corps: "Je ne veux pas être ici en ce moment-même, cette dame m'a emmenée contre mon gré...", rayonnait la fille. J'ai serré la main de la fille et nous avions immédiatement eu une connexion. J'ai estimé qu'elle avait environ 7 ans. J'ai gagné sa confiance et lui ai dit que j'étais adoptée et que j'avais le sentiment qu'elle l'était aussi. Mawanesha a confirmé mon sentiment. Elle a été adoptée d’Inde. D'où le lien avec ....

J'ai négocié avec la dame blonde et j'ai été autorisée à emmener Mawanesha à la cafétéria pour lui parler. Un peu plus loin, j'ai choisi une table avec la fille. Nous avions siroté nos verres et pendant un moment, deux secondes, j'ai fermé les yeux tandis que nous faisions tinter nos verres ensemble. Un tourbillon a soudainement tourné autour de nous et nous a souleveés. Quand j'ai réouvert les yeux, j'étais dans le restaurant de la veille. Mawanesha avait disparu et j'ai regardé autour de moi, inquiète. En face de moi, j'ai vu un couple qui pleurait. Je me suis approchée d'eux pour les réconforter et leur demander s'ils avaient rencontré Mawanesha par hasard. Ils ont commencé à sangloter encore plus fort, ainsi que leurs enfants. J'ai posé d'autres questions et la dame aux cheveux courts s'est confiée à moi: notre enfant adopté a disparu et nous avons lancé un appel. Mais beaucoup de gens ne voulaient pas nous aider, ils nous reprochaient de croire en l'adoption et de vouloir prendre soin d'un enfant d'un autre pays. Ils nous ont même grondés.

Mon corps a vacillé, car mon histoire d'adoption n'est pas facile non plus, et tu le sais, Mimi. J'ai rassuré le couple et les enfants et leur ai promis de participer aux recherches. Ma recherche de Mawanesha s'est poursuivie pendant plusieurs heures. Finalement, je l'ai retrouvée dans l'espace réservé aux animaux, tapie en boule dans un coin?. Je l'ai prise dans mes bras et nous nous sommes serrées l'une contre l'autre jusqu'au crépuscule. Elle m'a dit qu'elle avait sept ans. Qu'elle avait des parents adoptifs qui voulaient bien s'occuper d'elle, mais avec lesquels elle n'avait pas de lien complet. Que la dame blonde était une de ses tantes et qu'elle se languissait tant de sa mère en Inde. J'ai pleuré avec elle, un profond chagrin est remonté à la surface, et nos larmes de manque se sont mêlées en gouttes épaisses. La rivière qui s'est formée a coulé jusqu'en Inde et s'est unie au Gange. Nous étions en train de flotter dans un bateau sur cette rivière sacrée. Le bateau est resté coincé dans l'un des méandres et nous avons mis pied à terre. Main dans la main, nous avions marché jusqu'à un petit village plus loin. Nous avions très soif et très faim. Les huttes étaient construites autour d'une place centrale. Nous avons traversé la terre battue et avons été automatiquement (par une force spéciale?) conduites à l'une de ces huttes. Une vieille dame avec de beaux cheveux longs et gris et des mèches noires est venue vers nous. Nous avons volé dans les bras de cette dame gracieuse. Je l'ai sentie, je l'ai sentie, je devenais une avec cette femme. Mawanesha faisait également partie de ce câlin, car elle était mon enfant interne que j'ai enfin pu lâcher.

Ma très chère maman en Inde, je t'aime. Ma très chère meilleure amie, Mimi, je t'aime. Ces deux amours, et l'amour de mon mari, me font prendre conscience que différentes formes d'amour m'apportent l'équilibre. L'amour reste, toujours.

PS: Ma collègue Laura avait retrouvé son bébé et son landau, sains et saufs.