31. En route – 25/02/2024

Vendredi 23 février, juste avant de partir au travail, j'apprends de mon amie du sud qu'elle ne pourra pas venir à New Delhi en raison d'un décès dans la famille. Je comprends sa décision, mais mon corps passe en mode stress. Comment puis-je partir sans avoir réservé de place pour dormir ? L'hôtel qu'elle avait repéré n'était accessible qu'aux citoyens indiens et comme l'Inde n'accepte pas la double nationalité, je ne pouvais donc pas y séjourner seule.

Je pars au travail avec beaucoup d'inquiétude. Je sens que l'enseignement me distrait un peu, mais quand je rentre à la maison à midi, je commence à chercher une place pour dormir comme un poulet sans tête. Entre-temps, j'ai contacté plusieurs Indiens, mais aucun ne me donne une idée concrète de la sécurité du quartier et de la qualité de l'hôtel/guesthouse. Je réserve donc une chambre d'hôtes, à l'aveuglette. Cela me donne une certaine tranquillité d'esprit.

Je tiens à aller manger quelque chose avec ma famille avant de partir. Nous profitons tous de ce moment. Je mange encore un plat typiquement belge car pendant les 2 prochaines semaines, je vais savourer ma cuisine indienne préférée.

Samedi matin, je me lève tôt, je prends une bonne douche chaude et je suis prête juste à temps. Nous arrivons une heure trop tôt à l'aéroport de Zaventem. A ce moment-là, une connaissance indienne m'appelle. Ma chambre d'hôtes se trouve dans un quartier peu sûr et il m'a trouvé un meilleur hôtel. Ouf !!! Je le remercie mille fois. L'enregistrement, le contrôle de sécurité et l'embarquement se déroulent sans problème jusqu'à présent. J'espère qu'il n'y aura pas de problèmes de bagages cette fois-ci, comme lors des deux voyages précédents.

Au moment où je m'installe effectivement dans l'avion en direction d'Helsinki, mes larmes montent. Mon corps est comme d'habitude ballotté d'un côté à l'autre : le besoin de partir et de me ressourcer est grand, mais la douleur de laisser mes chers trésors derrière moi est tout aussi grande. Mon estomac se serre, mais je me ressaisis et regarde par la fenêtre. Là, je vois quelques faibles rayons de soleil tomber sur la tour de contrôle de l'aéroport. Une belle image qui réchauffe mon cœur.

Rayons de soleil illuminant légèrement la tour de contrôle

En route, j'écris dans mon journal et pendant le vol vers l'Inde, je suis traitée comme une vraie Indienne. Je ne reçois même pas de formulaire d'immigration car il est réservé aux Européens (blancs). Nous atterrissons à New Delhi avec une demi-heure de retard, à 6h30 heure locale. Mon corps est fatigué mais il reçoit un coup de pouce dès que je pose le pied sur le sol. Je connais ce processus, il ressemble à une décharge électrique qui me recharge complètement. Je continue courageusement et je prends le chemin sans le tapis roulant. Au service d'immigration, il y a eu un investissement sérieux selon les normes indiennes. Il y a des tables avec des formulaires d'immigration et des stylos. Je suis surprise de voir cela si bien présenté. Avant, il fallait aller chercher les feuilles. Mais l'euphorie s'estompe partiellement quand je découvre que les stylos ne fonctionnent pas. Je prends mon propre stylo et je remplis le formulaire. Le temps d'attente au bureau d'immigration est de 0 seconde pour une fois, je n'ai jamais vu ça. Avant même de m'en rendre compte, je suis prête à organiser mon taxi prépayé. Un moyen pratique de quitter l'aéroport.

Atterrissage au lever du soleil

Plus loin, le chauffeur m'attend mais c'est encore une fois un peu stressant, car l'adresse est apparemment introuvable. Après de nombreux appels téléphoniques entre ma connaissance, l'hôtelier et le chauffeur, je descends finalement au Fabhotel. Cette chaîne d'hôtels trois étoiles propose des nuitées abordables. En termes d'hygiène et d'équipement, c'est tout à fait correct ici.

Je fais une petite sieste et je sors en après-midi : recharger mon numéro de téléphone indien, manger seule pour la première fois et prendre un tuk-tuk pour le centre de New Delhi. Tout cela demande un peu d'aide aux gens gentils qui m'entourent, mais cela a conduit à une belle journée où je réalise finalement que je suis capable de plus que je ne le pensais. Dans mon pays d'origine, je me sentais souvent comme une petite fille, maintenant mon enfant intérieur grandit enfin et je peux me permettre de me mettre dans ma propre peau (d'adulte).

Je termine la journée par un moment délicieux en compagnie de Tine, une autre adoptée, et nous discutons de nos nombreuses aventures dans le sous-continent indien. Je me sens la bienvenue, je me sens entourée, j'ose m'informer, j'ose passer à l'action. Bref, l'Inde est un peu plus à mes pieds. Je suis (bien) en route.

Connaught Place, le cœur commercial de New Delhi

30. Adoption Awareness Month – November 2023

Le mois de novembre est le mois de l'adoption. Mais d'où vient exactement cette idée?

À l'instar de diverses influences venues d'outre-mer, le Mois de la sensibilisation à l'adoption est une idée qui a vu le jour en Amérique. Au départ, l'idée a été lancée pour promouvoir l'adoption. En 1976, le gouverneur (du Massachussets) Michael Dukakis a annoncé la toute première semaine de l'adoption. Le président Ronald Reagon a soutenu la semaine de l'adoption pour la première fois en 1984. Le président Clinton l'a rebaptisée "Mois de l'adoption" en 1995. L'adoption peut être belle, mais les faits ou observations suivants peuvent également être pris en considération.

  • 50000 enfants sont adoptés en Amérique chaque année depuis 2014https://www.daysoftheyear.com/days/adoption-month/)
  • Même le site web de la Maison Blanche met en avant le Mois de la sensibilisation à l'adoption. Le président Joseph R. Biden Jr proclame officiellement le mois de novembre "Mois national de l'adoption".

Qu'apporte ce mois de sensibilisation à l'adoption en Belgique ?

En 2022, Opgroeien (ONE en Flandre) a organisé de nombreuses réunions pour examiner comment accroître la sensibilité à l'adoption. Il a alors été question d'activer le Mois de la sensibilisation à l'adoption en Belgique, qui ne serait pas une promotion de l'adoption mais plutôt un exercice de sensibilisation où l'attention serait également attirée sur le côté sombre de l'adoption. Les organisations d'adoption telles que Steunpunt Adoptie, Opgroeien, les services d'adoption et les groupes d'intérêt en matière d'adoption pourraient unir leurs forces. Jusqu'à présent, il ne s'agit que de mots écrits dans un rapport. Peu d'actions ont été coordonnées jusqu'à présent. Une goutte d'eau dans l'océan ?

Comment est-ce que je m'en sors et qu'est-ce que mon histoire d'adoption m'a apporté cette année ?

Cette année, je suis allée en Inde avec toute ma famille. Certains moments forts et inoubliables ont affiné mon identité et restent gravés dans ma mémoire. Je me souviens du moment où j'étais près de l'arbre à racines (Banian Tree) à Auroville, avec mes enfants. Cela m'a énormément réchauffé le cœur. Un sentiment particulier de connexion s'est emparé de moi. La vue sur l'océan Indien au lever du soleil était également magique. Pouvoir se tenir là avec mon mari ET mes enfants était vraiment romantique. Cela m'a donné un sentiment de reconnaissance, mais surtout de connexion.

Je me souviens également de ma fille en sari, une lueur chaleureuse est partie de mes orteils jusqu'à mon cœur. J'étais et je suis toujours si fière d'elle !

Mes fils m'ont témoigné leur respect et leurs yeux pétillants m'ont fait comprendre qu'ils appréciaient ce voyage extraordinaire.

Je suis heureuse d'avoir participé à cette aventure avec eux. Eux, mon mari et moi-même avons été comblés.

Re-connect with yourself, go back to your birthplace, eventually dismantle lies,

Re-spect yourself, but also respect your cultures, your countries, and your birth mom before she dies.

Love myself? Love Belgium? Love India? Love your family members instead!

I’m An Sheela, I’m worth existing, I’m blessed.

Sources:

https://www.opgroeien.be/sites/default/files/documenten/20221118-bv1-het-verhogen-van-adoptiesensitiviteit.pdf

https://www.childwelfare.gov/topics/adoption/nam/spread-the-word/graphics/

https://www.daysoftheyear.com/days/adoption-month/

https://blog.adoptuskids.org/finding-my-voice-changing-my-story/

Arbre à racines à Auroville, c'est le plus grand arbre de cette sorte en Inde. - février 2023
Photo de connection à la côte (Chennai) - février 2023
Taj Mahal - février 2023

29. India, my love – part I

Une semaine après mon retour d'Inde....

Ce fut une semaine pleine de travail, de va-et-vient et de mauvais temps. Le retour à l'équilibre s'est étonnamment bien passé.

L'Inde était: fantastique, étonnante, stupéfiante, frivole, colorée, joyeuse, chaleureuse, sale, amicale, généreuse, corrompue, ...

Aucun pays n'est parfait, y compris mon pays d'origine. Mais cela n'enlève rien au fait que je suis toujours amoureuse de l'Inde, et l'amour consiste à prendre ce qui est offert, même ce qui n'est pas si bon. Est-ce que j'accepte tout ? Bien sûr que non, mais j'emporte le meilleur avec moi.

Qu'est-ce qui a rendu ce voyage si spécial?

C'était notre premier voyage en famille. Comme les enfants étaient au cœur de ces vacances, nous n'avons rien planifié à l'avance. Nous avons décidé qu'ils nous aideraient à donner le rythme et à choisir les excursions. C'était très excitant pour moi, car les gens qui me connaissent bien savent que je suis une "miss organisation". Tout doit être préparé dans les moindres détails pour moi, sinon cela ne fonctionnera pas, et c'est ainsi que j'ai pu garder le contrôle de la situation pendant des années.

À notre arrivée à l'aéroport de Zaventem, nous avons appris qu'Aviapartner, le bagagiste, était en grève. Notre voyage commençait déjà avec le premier obstacle. Nous avons réussi à rassurer les enfants et nous nous sommes enregistrés. Le voyage aller s'est par ailleurs bien déroulé, si ce n'est que l'administration des bagages s'est mal passée. Prendre l'avion était nouveau pour mes deux plus jeunes enfants. Le fait que je sois assise entre eux leur a donné un sentiment de sécurité. Je n'avais pas pu expérimenter cette proximité pendant un certain temps en raison de ma crise d'identité.

Lorsque nous sommes arrivés à Chennai, notre patience a de nouveau été mise à l'épreuve lors de la migration. Le plus souvent, la machine à prendre les empreintes digitales ne fonctionnait pas, ce qui n'a pas vraiment permis de raccourcir la file d'attente. Dans la salle chaude et avec nos bagages à main à nos pieds, nous avons bavardé avec un guide touristique. Cela nous a permis de passer le temps. Après la migration, nous avons dû attendre à nouveau pour déclarer nos bagages perdus. Les enfants se sont assis sur les sièges et nous avons essayé d'accélérer la procédure, ce qui n'a pas vraiment été le cas. Une heure plus tard, nous ne pouvions que sortir. Heureusement, nos amis nous attendaient patiemment. Des couronnes de fleurs ont été apportées et placées autour de notre cou. Nous n'aurions pas pu imaginer un plus bel accueil. Les enfants étaient rayonnants et se sont immédiatement sentis accueillis et à l'aise.

Nous sommes partis en jeep pour la maison de notre bonne amie Nandhini. En chemin, nous nous sommes arrêtés pour déjeuner et les enfants ont découvert sur place le premier plat indien typique: le dosa. Ils ont aimé et ont mangé avec leurs mains pour la première fois. Une expérience inoubliable enrichie, nous avons continué notre route. Arrivés à la grande porte, des dames nous attendaient. Avec une lampe à huile et des poudres colorées, elles nous ont accueillis: nous avons été bénis avec cette poudre rouge et jaune. Quel geste chaleureux encore!

Nous nous installons et nous reposons, car nous n'avons pratiquement pas dormi de la nuit dans l'avion.

Après quelques heures, nous nous sommes dirigés vers le centre commercial. J'ai été émerveillée par la splendeur des magasins : Chennai n'est pas si différente de ma ville natale flamande d'Aarschot. Nous avons acheté de quoi passer les premiers jours, car nos bagages étaient restés en Belgique.

Au cours du dîner, nous avons discuté du lendemain. Celui-ci promettait d'être émotionnellement difficile pour moi : une visite sur la tombe du père Suresh, décédé d'un mauvais covidage en 2021. Mon estomac s'est contracté, mes intestins se sont comprimés, le chagrin était encore très palpable. Et les enfants? Ils étaient impatients de venir. Ils ont eu le choix et ont saisi l'occasion. J'étais heureuse de leur choix. Ce grand homme méritait notre bénédiction pour son engagement en faveur de l'éducation des intouchables. Aujourd'hui, Presque 20 ans plus tard, une génération de dalits a été éduquée, ils travaillent souvent dans de meilleures conditions et peuvent ainsi sortir de la pauvreté. Un beau projet qui me tient à cœur, car au fond de moi, je me sens dalit* d'origine.

*Dalit: Le système indien des castes a été officiellement aboli. Il s'agit d'une classification sociale de la population où les dalits font partie des sans-castes, c'est-à-dire qu'ils ont moins de droits ou presque par rapport aux groupes de population classés plus haut qu'eux. Ils ne sont donc pas inclus dans la structure sociale de la population.

Accueil à Chennai (Aéroport)

28. DNA

Après mon dernier voyage, j'avais besoin de temps pour récupérer. Le temps guérit, apporte des conseils et détermine le rythme. Voici mon texte sur ce qui s'est passé pendant les derniers jours avant mon retour en Belgique.

Ma première semaine en Inde a été fantastique. Le fait d'être là avec mon fils m'a apporté un équilibre différent de celui que j'avais pu connaître auparavant. Me sentir sa mère a été magnifiée, mais ma vulnérabilité est également devenue très visible et tangible pour lui.

À la fin de cette première semaine, j'ai rencontré une personne qui m'a orientée vers un politicien de Muzaffarpur et qui m'a fixé un rendez-vous avec lui. Le jour suivant, nous sommes allés chez le "mukhajee". Je m'étais préparé à une conversation aléatoire au cours de laquelle je lui expliquerais pourquoi je cherche ma mère et l'impact de l'adoption. Quand nous sommes arrivés, nous avons été accueillis par une armée de cinq hommes. Surprise mais aussi un peu incertaine, je me suis avancée vers eux avec mon fils et un ami. On nous a proposé des sièges. Bientôt, un homme a commencé à appeler des personnes avec son gsm. Il a prétendu me reconnaître sur ma photo de passeport. Une famille du village aurait perdu une sœur à cause des circonstances pendant la période où j'avais disparu. Avant que je ne le sache, cinq autres hommes se tenaient autour de nous. Ils sont arrivés, à intervalles de 10-15 minutes chaque fois. Je ne savais pas du tout ce que je devais ressentir, penser et encore moins faire. Mon fils aussi vivait la situation dans une confusion totale. La famille m'a invitée à célébrer avec eux la chhath puja, le rituel hindou de l'année dans le Bihar. Comme mes émotions prenaient le dessus, j'ai d'abord accepté, mais j'ai indiqué qu'une nuitée ne serait pas possible. Ce rituel dure normalement trois jours. Après les 5 hommes, une vieille dame s'est également jointe à la fête. Elle avait l'air très ignorante et je n'ai pratiquement ressenti aucune émotion avec elle, comme avec le reste des membres de la famille d'ailleurs. Par la suite, lorsque la glace a été quelque peu brisée, elle a affirmé qu'elle se serait occupée de moi lorsque j'étais un bambin. Je n'ai pas vraiment compris et je me suis laissée guider par les ondes positives qui étaient dans l'air à ce moment-là: une famille indienne qui me reconnaissait et qui voulait m'accueillir ! C'était une expérience incroyable pour moi.

On nous a emmenés dans une belle maison et on nous a servi de la nourriture ainsi que des bouteilles d'eau. Nous étions littéralement portés sur leurs mains. Après le repas, il était temps de se détendre. Une petite pièce avait été dégagée pour nous et nous avons commencé à analyser la situation. J'ai demandé à un ami de la famille indienne de dessiner un arbre généalogique. Les noms des membres de la famille sont sortis sans problème mais les âges ont été littéralement jonglés. Mon fils a attiré mon attention sur ce point et j'ai commencé à avoir des doutes. L'histoire de cette famille a montré que mes parents étaient déjà morts. Je n'ai pas et ne pouvais pas encore considérer cela comme vrai. Finalement, nous avons décidé de rentrer à Patna et de revenir le lendemain pour le rituel.

Sur le chemin de Patna, j'ai craqué, mon fils s'efforçant de me tirer de mon chagrin. Je me suis sentie coupable envers lui, mais aussi complètement perdue. Que devais-je penser de cette situation? J'ai appelé un ami en Belgique qui m'a écouté sans jugement. Ça m'a fait beaucoup de bien. Alors que nous traversions le pont sur le Gange, j'ai dit à mon fils: "Chéri, dans cette quête, je ne suis sûr de rien, mais ce dont je suis sûre, c'est que tu es mon fils, et que je t'aime de façon incommensurable." Ces mots me donnent la chair de poule, même encore aujourd'hui. Ce fleuve la Gange que ma mère a traversé pour me déposer à l’orphelinat de Patna. Le symbolisme, la douleur mais aussi la beauté de l'amour peuvent être si significatifs. Le soir, j'ai décidé de mettre les événements de côté pour un moment, en profitant du dîner et de la compagnie de mes amis.

Le lendemain, nous sommes allés rendre visite à l'ami qui avait donné le numéro du Mukhajee. Pendant la conversation, le "mukhajee" m'a appelé. J'ai relayé l'appel à mon ami et il a compris que la famille était convaincue que j'étais leur sœur disparue. Il n'y avait pas d'autre option que de faire un test ADN. J'ai accepté et mon ami m'a accompagnée les jours suivants : trouver le bon test ADN, persuader la famille de venir au laboratoire, le coût, ... Toute ma deuxième semaine y a été consacrée, car dans la culture indienne les rendez-vous sont souvent reportés, et parce que je voulais revérifier toutes les informations qui me parvenaient... La veille de mon départ pour la maison, nous avons pu recevoir la famille à Patna. Le trajet jusqu'au laboratoire a été désagréable, on ne s’est Presque pas parlé. Sur le chemin du retour, cependant, il y a eu des discussions et même des larmes ont coulé lorsque nous nous sommes dit au revoir. La culture masculine, autrement sérieuse, a maintenant montré une certaine sensibilité. J'ai laissé libre cours à mes émotions, sans savoir si je reverrais cette famille un jour.....

15 novembre 2022. Je me réveille avec le nez bouché, la gorge sèche et un mal de tête. Aller au travail n'est pas possible aujourd'hui. Je ne me sens vraiment pas bien dans ma peau, et ça ne m'arrive pas souvent. Les microbes présents dans mon corps y sont évidemment pour quelque chose. Mais il y a aussi un malaise. La première fois depuis que je suis rentré de deux semaines en Inde. L'agitation, pour quoi exactement ?

Vers 8 heures du matin, je reçois un courriel, de l'Inde! Tout à coup, je suis bien réveillé et je me concentre sur la lecture du contenu. Mon cœur bat déjà à tout rompre et pendant un moment, je ne sens pas non plus mon mal de gorge. Ma tête est en train d'exploser. Les chiffres dansent devant mes yeux. Et mes yeux se déplacent en diagonale sur le document: fratrie, analyse, ADN... Soudain, mes yeux se posent sur les mots "An Jacobs et N. sont apparentés en tant que frères et sœurs". Whouah! Mon corps s'emballe, et mes intestins se contractent. Je pleure de bonheur: youpie! J'ai trouvé ma famille! Je ferme les yeux, et je me laisse flotter dans mon petit monde, l'Inde ensoleillée, Muzaffarpur, les litchis, la rivière Gandak, ... Mes larmes coulent sur mes joues.....

Quelques instants plus tard, un anti-climax s'empare de moi lorsque je me réprimande et me force à lire l'ensemble du document avec calme et attention. Je regarde attentivement les chiffres, qui ne me disent pas grand-chose pour l'instant. Puis j'arrive à la conclusion et je lis la phrase complète avec consternation: "Ce cas a été évalué pour fournir la preuve que An Jacobs et N. sont apparentés en tant que frères et sœurs". Une confusion totale m'envahit. Je continue à lire et je me rends compte que le test ADN est négatif. Mon euphorie est remplacé par un bouleversement total. Entre-temps, mon mari est rentré et je lui communique l'information. Il confirme qu'il n'y a aucun lien avec la personne qui a effectué le test ADN en Inde. Mon chagrin est indescriptible. Pourtant, mon amant me tire du gouffre. De lui, je sais qu'il est et sera toujours là pour moi. Sa vision rationnelle est la bienvenue ici pour un moment. Je ferme mon ordinateur et je descends. Nous prenons le petit-déjeuner ensemble et je vide mon bol de flocons d'avoine chauds. Ma tasse de thé, je la bois à petites gorgées. Mon regard se fixe au loin, dans le néant. Cela me rappelle ma photo de couverture sur Facebook. Moi, petite bambin, nouvellement arrivée en Belgique, regardant anxieusement devant elle, complètement déprimée et ne comprenant pas ce qui va se passer. Même maintenant, pendant un moment, je ne sais pas quelle sera la prochaine étape. Je décide de ne rien faire aujourd'hui. Et de laisser tout être pour un moment....

Quelque part, entre Muzaffarpur et Patna

27. Ludos & échelles

3/11/2022

Hier, nous avons rendu visite à mon ami brahmane et sa femme. Je voulais leur dire au revoir avant de reprendre l'avion pour la Belgique. En chemin, la voiture de mon autre ami est tombée en panne. Le moteur a calé. Heureusement, nous n'étions pas sur un carrefour très fréquenté, mais quand même. Les klaxons des conducteurs derrière nous ne s'arrêtaient pas. Phineas et moi avons littéralement poussé la voiture sur le côté. C'était une aventure en soi. Ça m'a rappelé le trajet en voiture vers Muzaffarpur samedi dernier. Sur le chemin, nous avions été arrêtés par des hommes. Le conducteur avait dû s'arrêter. Notre chauffeur était sorti et après 10 minutes de discussion, je ne comprenais toujours pas ce qu’il se passait. J'ai quitté la voiture avec Phineas et nous avons rejoint les hommes en train de discuter. Là, nous avons enfin compris de quoi il s'agissait. La société pour laquelle travaille notre chauffeur n'avait pas payé la dernière tranche du prêt (de la voiture). J'ai demandé comment ils pouvaient vérifier cela. Il s'avère donc qu'il existe une application sur les smartphones des contrôleurs. Ils scannent un code spécial sur la plaque d'immatriculation de la voiture, qui leur donne accès à la base de données des prêts. J'étais abasourdie par le fait que ce système, aussi moderne soit-il, existait dans une ville défavorisée comme Muzaffarpur. Quoi qu'il en soit, j'avais encore appris quelque chose.

Revenons à la panne de la voiture de mes amis. Après avoir écarté la voiture en toute sécurité, ma camarade est allé au magasin. Elle est revenue avec une bouteille d'eau. Qu'est-ce qu'ils allaient faire avec ça? Eh bien oui, en Inde, c'est simple: le liquide du radiateur s'était épuisé, alors on ajoute un peu d'eau, on attend 10 minutes et presto, on est reparti. Phineas a trouvé que c'était une aventure fantastique. Il ne l'oubliera pas de sitôt.

Chez nos amis brahmanes, nous avons été chaleureusement accueillis et on nous a servi un plat typiquement hindou dont j'ai déjà oublié le nom. Il avait une saveur fraîche mais en même temps sucrée, salée et épicée. Bref, une explosion de saveurs a envahi ma bouche. J'ai adoré, pour Phineas c'était malheureusement trop épicé. Pour le dessert, nous avons eu les très connus jalebis, un délice et une fête pour mes papilles. J’en profite à fond, vraiment.

Un appel téléphonique important interrompt notre moment de convivialité. Les plans pour le lendemain tombent à l'eau. Je suis au plus bas. Mon ami me calme en disant qu'il y aura une autre chance le jour suivant. Je m'accroche à cette paille. Nous parlons après, et la conversation prend une tournure différente. Nous sortons également un jeu de société: les ludos et les échelles. Ça ne pourrait pas être plus approprié. Un jeu de hasard dans lequel on est renvoyé au départ par un serpent, c'est ce que je ressens dans ma quête aujourd'hui. La métaphore me plaît. Après le match, je retrouve un peu de courage. Nous décidons de passer la nuit avec cette famille, car se déplacer dans l'obscurité, sans guide supplémentaire, n'est pas quelque chose que nos amis apprécient. Apparemment, la sécurité reste un problème. Pourtant, j'ai le sentiment que nous avons déjà entrepris plus de choses que lors de mon dernier voyage. Pendant notre séjour actuel, par exemple, nous nous sommes déjà promenés sur le marché le soir, alors que cela serait plus difficile avec une personne à peau claire en notre compagnie.

La nuit chez notre famille brahmane est très reposante, pour une fois pas de musique à fond dans notre chambre. Je dors comme une rose jusqu'à 9h30 du matin, me sentant un peu timide. Nous prenons un petit-déjeuner tardif, jouons aux échecs, discutons ensemble de la culture hindoue et planifions la journée du lendemain. A cause du déjeuner tardif, nous ne mangeons pas avant 14h30. Après avoir mangé nous prenons un taxi pour retourner chez mon amie. Je la rassure en lui disant que tout est sous contrôle. Le soir, nous nous promenons ensemble sur le marché, avec Phineas qui nous emboîte le pas.

Nous prenons notre temps, essayons d'évacuer les frustrations et de nous concentrer sur le slogan de mon ami: "Don’t worry, be happy!” Nous mettons tout en œuvre pour notre recherche, ce n'est pas facile parfois, mais nous espérons que tout va s'arranger....

Anty – partie 2

Je descends du véhicule suivi de près par le chauffeur. Je salue les trois hommes en disant: “Namaste, happy chhath puja”. On tend une chaise à chacun d’entre nous. Nous nous installons en forme de demi-cercle sous l’arbre à litchis. Le ‘guru’ du village, un homme avec une très grande moustache, prend la parole en premier, il commence la réunion avec une prière dédiée au soleil. Je me laisse emporter par l’atmosphère que dégage ce rituel et je sens qu’une espèce de chaleur m’envahit. Cette chaleur part des mes orteils et au fur et à mesure de la prière, se répand à travers tout mon corps. Soudain, je sens une sensation de brûlure au niveau de ma cuisse gauche, à cet endroit se trouve une cicatrice. Je la dois à un vaccin que j’ai reçu en Inde quand j’étais encore qu’une petite fille. Cette douleur, je la sens aussi sur mon bras droit, c’est à cet endroit que je me suis brûlée en sortant le pain du four. Je me demande ce qu’il se passe. Un deuxième homme se met à réciter des mantras sans s’arrêter tandis qu’un troisième frappe un gong énorme. C’est comme si j’étais en train de m’endormir, les mots n’arrivent plus à sortir de ma bouche. J’ai l’impression de planer.

Mijn moeder en ik zijn onderweg. Ik zie een paardenkop op en neer bewegen en hoor het dof geluid van de hoeven die op het zand neerkomen. Ik lig in de armen van mijn moeder en kan net piepen over haar arm. Ik vang een glimp op van water en in de verte zie ik de schoorsteenpijp in het landschap, zo eentje van een baksteenfabriek. Ik wieg mee met het ritme van de kar. Mijn moeder fluistert in mijn oor dat ze van me houdt. Ik kruip dicht tegen haar aan. En voordat ik het weet vallen mijn ogen dicht.  In mijn droom zie ik mijn vader, al dansend in de laadbak van een vrachtwagen, hevig roepend op het ritme van de chhath puja muziek. Plots kantelt het voertuig. De muziek stopt abrupt en mijn ogen zoeken angstig naar mijn vader. Er komt geen beweging. Het beeld vervaagt en ik word wakker. Ik huil en mijn moeder sust me. Haar stem heeft een kalmerende werking op mijn ganse systeem. Mijn blik gaat naar het meisje naast haar. Ze lijkt op me.

“Anty, Anty! Pourquoi tu pleures autant?”. J’essaie de me coller le plus possible à elle et je lui chuchote que je l’aime et qu’elle est en sécurité avec moi. Heureusement, elle s’endort en un instant. Laksmi est assise à côté de moi, elle joue avec un bâton. Je la tiens à l'œil. Un homme avec une peau blanche nous frôle avec son vélo. J’en avais déjà entendu parler mais je n’en avais jamais vu. Qu’est ce qu’un homme blanc venait faire ici, en plein milieu de la campagne indienne? Nous nous arrêtons à quelques lieues de là, je descends et rejoins une petite forêt avec mes enfants. Après avoir passé un bon moment avec mes deux filles, je ressors du bois et j’ai l’impression d’être observée. En effet, à la sortie du bois se tient l’homme que nous avions croisé plus tôt. Il me fixe et je me sens mal à l’aise. Il m’adresse la parole en Hindi: “Vous voyagez seule avec vos deux enfants?”. Je fais mine de ne pas avoir entendu sa question et, déterminée, me dirige vers la charrette. Malgré cette détermination je sens une main agripper mon bras. Il continue: “Je peux vous aider, je peux vous protéger". Je fonds en larmes, c’est trop pour moi. Je lui explique que je fuis la maison pour sauver mes enfants.

Cette belle femme qui porte un saree vert avec des bordures jaunes attire mon attention. Elle est assise dans une charrette tirée par un cheval. Pendant que je la regarde, je frôle le cheval, je suis déstabilisé mais j’arrive tout de même à reprendre mon équilibre d’un coup de guidon. Je continue et décide de m’arrêter 2km plus loin pour boire un verre. Je m’installe dans un petit salon de thé et profite de la savoureuse boisson que j’ai commandée. J’aperçois le cheval qui m’avait déstabilisé 2km plus tôt. Les passagers de la charrette descendent et je vois la dame au sari vert tenant un bébé dans ses bras. Une petite fille marchait à côté d’elle. Elle disparaît, je termine mon thé et curieux comme je suis, je décide d’aller voir où elle est passée. Elle réapparait comme elle avait disparu. Qu’elle est belle. Je me demande si je devrais lui adresser la parole. Je suis tenté…

Anty  – 1

Pour des raisons personnelles, j'ai écrit cette fois une histoire basée sur des faits réels et sur la fiction.

Anty ouvre un œil, puis l'autre. La musique envahit ses oreilles. Elle se frotte les yeux et secoue la tête. Elle s'étire. Elle n'a pas vraiment envie de se lever seulement, elle a un rendez-vous important aujourd’hui. Elle se hisse hors du lit, se rafraîchit et s'habille.

En bas, elle savoure un bon petit-déjeuner: idli avec une sauce aux légumes. Il n'y a pas de viande pour le moment, le festival interdisant cette nourriture pendant plusieurs jours. Elle sirote un chai masala, le traditionnel thé indien. Ensuite, elle se brosse soigneusement les dents et, le gout de menthe encore en bouche, se dirige vers la voiture qu’elle avait louée la veille. Anty s'installe confortablement dans celle-ci, des petites bêtes grouille à ses pieds. Elle a soudainement envie d’être comme elles, le plus petit possible. Après une demi-heure de route, son téléphone sonne. La personne à l'autre bout du fil l'exhorte à accélérer, car la réunion ne sera pas organisée une deuxième fois. Un goût nauséabond envahit sa bouche, il ne reste rien de la saveur de la menthe. Elle avale, espérant obtenir un goût plus neutre dans la bouche. Elle y parvient à peine. Elle se concentre alors sur autre chose: l’environnement. Elle regarde par la fenêtre et observe le paysage qui défile devant elle. La vallée verte de la rivière sacrée la fait rêver. Elle rêve de son passé:

Allongée dans les doux bras de ma mère , je sens sa main qui carresse ma joue. Je me sens en sécurité près de sa poitrine. En me tortillant lourdement, j'essaie de déplacer ma bouche vers son sein, quand je trouve son mamelon, j'aspire son lait maternel à grands coups. Me sentant comblé, je m'endors sur ses genoux. Je dors paisiblement et ne remarque pas qu'elle m'a allongée sur un tapis en osier sur le sol.

Que diable suis-je censé faire? Ce mal de tête incesssant me rend folle. Je vais aux toilettes et je remplace les chiffons qui sont censés arrêter le saignement. La douleur dans le bas du ventre est insupportable. Les effets de l'accouchement se font encore sentir. Ma petite fille, elle est venue au monde hier. Pourquoi fallait-il que mon enfant soit une fille? Tout au long de ma grossesse, je n’ai cessé de prier pour que ça soit un garçon. Pourtant, je suis connectée à ma petite princesse, elle est si belle, si parfaite. Elle est mon petit miracle, mon tout. Bien que le père de ma fille ne soit pas heureux de sa naissance, je me suis battue avec acharnement pour la garder. Je vis cachée chez une amie à quelques villages d’où vit mon mari. Elle nous protège, moi et ma chère Anty. Je retourne à la cabane qui me sert de maison provisoire, et me blottis aux côtés d'Anty allongée sur le tapis. Il n'y a pas beaucoup de temps pour se reposer.

Plusieurs jours passent, et j'essaie de me concentrer sur le soin de ma fille. Elle grandit lentement mais ses yeux sombres brillent. Un jour, je remarque qu'elle essaie de sourire. Je lui rends son sourire. Mon lien avec elle est étroit et se resserre de jour en jour. Et si je m'enfuyais avec elle?

Anty est catapultée dans le présent par une violente secousse. Elle est écrasée contre son siège après un brusque coup de frein du conducteur. Son cœur fait un bond et bat encore à cause du choc. Anxieuse, elle regarde à travers le pare-brise et remarque un motocycliste allongé sur le sol. Des cris et des hurlements se font entendre, malheureusement dans une langue qu'elle ne connaît pas. Les passants le relèvent et, après quelques tapes sur l'épaule, il remonte sur son deux-roues et s'en va. Le chauffeur poursuit sa route jusqu'à ce qu'un grand bâtiment blanc, entouré de palmiers et de litchis, se dessine. Des hommes nous attendent à côté d'une grosse jeep noire.

A suivre.

24. To push or not to push

5e jour: mercredi 26 octobre 2022

Ce matin, nous nous sommes levés à l'aube. Au cours de ces derniers jours, nous avons fait beaucoup de choses, mais nous avons très peu bougé. Taxi Sunil était toujours prêt. À 4 heures du matin, nous étions assis en bas, attendant notre bon ami et camarade de Phineas, Falak. Nous partons une heure plus tard que prévu, cela devient une habitude. Pourtant, à cette heure matinale, nous trouvons cela plus dérangeant.

Nous traversons le quartier en passant devant des cabanes délabrées. Nous devons également faire attention où nous posons nos pieds, en nous déplaçant parmi les déchets, les chiens et les vaches. Pourtant, l'odeur n'est pas trop mauvaise. Soit nos nez ne sont pas si sensibles dans ce pays. Avec moi, cela jouera certainement un rôle. Les temples s'ouvrent progressivement et la musique retentit dans les haut-parleurs. Dans cette ambiance, nous nous rendons à pied à l'éco-parc. En chemin, nous restons le plus possible sur le côté de la rue, car les trottoirs, eh bien, il y en a rarement, et s'il y en a, il y a des cabanes, des étals ou des voitures qui prennent toute la place. Ce qui me frappe cette fois, c'est que mon anxiété d'avant a sérieusement diminué. Je peux mieux me faufiler entre les véhicules (seulement pour traverser, il est vrai). Dans l'éco-parc, nous pouvons nous détendre un moment. Nous jouons une partie de badminton jusqu'à ce que les gardes nous chassent de la pelouse parce que nous devons jouer sans chaussures.

Nous revenons sur nos pas et atteignons les 5 km, une distance que j'ai rarement parcourue à pied en Inde. Nous sommes fiers de cette réalisation, d'autant plus qu'en termes d'infrastructures sportives, Patna est dans un triste état. Quiconque veut se déplacer doit sauter sur un vélo, mais c’est le meilleur moyen d’avoir un accident dans cette ville surpeuplée. Du coup, la plupart des personnes qui veulent faire du sport le font le matin à l'aube. On peut apercevoir les premiers rayons du soleil. C’est également le moment où les Indiens les plus courageux commencent leur journée. En rentrant, on prend le petit-déjeuner et on retourne dans notre lit. On fait la grasse matinée jusqu'à midi. Dans l'après-midi, l'estomac plein, nous partons pour le centre commercial où, lors du voyage précédent, j'étais malade comme un chien et quittais à peine la cuvette des toilettes. Contrairement au voyage précédent, je peux me promener parmi les boutiques et les magnifiques éclairages pour célébrer diwali. Phineas et Falak plongent dans le luna park, et on ne les revoit pas pendant une heure. Pendant ce temps, je rejoins Sunil pour le thé. Nous entamons une conversation constructive sur ma quête. Je suis heureuse car je sens que je peux l'atteindre cette fois-ci. Nous convenons que nous essaierons d'atteindre les médias par l'intermédiaire de ses amis. Ma connaissance brahmane me soutient également et à la fin de la journée, les deux amis me promettent que je pourrai parler à un journaliste le lendemain.

Jour 6 : jeudi 27 octobre 2022

Ce matin, je sors avec Sunil. Les garçons vont au zoo. Je rencontre plusieurs amis de Sunil. Ce sont tous des gens charmants, mais qui doutent de la nécessité de nous aider. Après les 2 visites, nous retournons à notre demeure. Un journaliste passe par là, mais disparaît aussi vite qu'il est apparu. J'ai à peine réussi à lui dire quelque chose. Il va demander à son patron si ma recherche vaut la peine d'être publiée car les festivals attirent toute l’attention. Aujourd'hui est le “jour du stylo”, aucun journaliste ne travaille aujourd'hui parce qu'ils ne sont pas autorisés à tenir un stylo. En d'autres termes, ils ont un jour de congé. Je suis arrivée à cette conclusion après la visite éclaire du journaliste ce matin.

À midi, nous passons dans un service administratif : le SDO, le Subdivisional Officer. Cet homme nous reçoit chaleureusement et il est tout de suite emballé par mon histoire. Il estime que le lien du sang ne doit pas être sous-estimé, et il a raison! Depuis que j'ai posé le pied en Inde, je n'ai pas souffert de jambes lourdes, ni de douleurs dans le bas du dos. Je ne sais pas quel médecin peut donner une explication sérieuse ici. L’administrateur est très clair : il va essayer de vérifier la liste des 5 Anilas, mais ce sera un travail difficile car il n'y a pas d'empreintes digitales disponibles de ces personnes. En outre, il n'était pas d'usage en Inde, dans les années 80, de s'enregistrer. En bref, il s'agira de chercher une aiguille dans une botte de foin. Je ne lâche pas. Je le pousse à partager les flyers qui mènent vers ma vidéo.

Je dis que sans essayer ,il n’y aura pas de résultats. Il nous donne un autre conseil: vérifiez auprès du bureau d'aide sociale et contactez l'unité de protection de l'enfance de la direction adjointe. Les anciennes listes pourraient encore être conservées, même si les chances sont minces. Avec Sunil, je fais mes adieux à cet homme qui a accepté de nous aider. Au bout d’un moment, c’est trop pour moi , mes larmes coulent en quittant le bâtiment. Pourquoi tout cela doit être aussi difficile? Pourquoi l'Inde ne pouvait-elle pas mieux gérer son administration? Pourquoi est-ce que je dois mettre autant d'énergie là-dedans? J'ai l'impression d'avoir à peine progressé. Je me ressaisis et nous filons (à l'indienne) vers la prochaine adresse: le Patna Collectorate. La personne en question est absente. Déterminée, je dis à Sunil que nous y retournerons le jour suivant. Pour terminer la journée, nous rendons visite à un troisième ami. Là, nous essayons de savoir s'il y a une possibilité de passer à la télévision de l’État. Vous voulez en savoir plus? Alors lisez mon prochain blog!

PS: Dans ce blog, les noms sont fictifs

23. Lucky II

Mardi 25 octobre 2022 - quatrième jour

C'était très spécial de pouvoir célébrer Diwali en Inde. Jamais je n'aurais pensé que le lien avec mon pays d'origine pouvait être aussi étroit. Les lampes à huile illuminent les maisons et créent de la chaleur. Nous avons eu la chance de célébrer Diwali avec une famille de brahmanes, qui appartiennent à la caste la plus élevée de la communauté indienne. Je me remémore la puja (rituel) à laquelle j'ai pu assister. Aujourd'hui, Diwali est toujours présent, en arrière-plan les feux d'artifice continuent et continueront à éclater, probablement pendant toute la semaine et surtout le soir. Phineas s'interroge à juste titre sur les règles de sécurité et découvre qu'il n'y en a pas. Nous gardons donc une distance de sécurité avec ceux-ci, mais nous profitons de la vue depuis le balcon. La musique et les chants indiens complètent cette atmosphère particulière.

Ce matin, nous étions censés partir pour la ville de Patna à 8 heures. Notre départ a été retardé comme d'habitude, et ce n'était pas à cause de nous. Heureusement, nous avons tout de même atteint notre destination dans le délai prévu. Nous avons été reçus par la soeur principale, chef de l’orphelinat. Nous avons commencé la tournée ensemble. Les retrouvailles avec Manju, une dame aveugle que j'ai rencontrée ici en 2003, ont été émouvantes. Elle a chanté sa belle chanson de bienvenue, j'ai la chair de poule à chaque fois et cette fois-ci n'est pas différente. Elle est si heureuse de m'entendre et je lui fais un gros câlin. Je lui présente Phineas et, pour lui donner une idée de sa taille, je lui fais toucher l'endroit où s'étend son abondante chevelure. Elle sourit largement, c'est un moment attachant. Kiran, l'amie aveugle de Manju, est tout aussi enthousiaste. Parfois, on n'a pas besoin de mots, les sentiments parlent d'eux-mêmes. Nous saluons toutes les dames du groupe. Chacune d'entre elles a un problème physique ou/et mental. Difficile à voir, mais réconfortant de voir comment ces personnes nous approchent avec une humanité abondante. Pendant ce temps là, la soeur principale disparaît sans que je m'en aperçoive.

Nous nous dirigeons vers l'autre partie du bâtiment, et Phineas rencontre les enfants. Ces enfants handicapés reçoivent les soins nécessaires, comme la physiothérapie, et sont motivés pour maintenir certains mouvements. Une jeune fille hyperkinétique doit rester à côté d'une soeur sous peine de s'enfuir. Nous prenons les escaliers jusqu'au premier étage. Quand j'arrive dans le couloir, j'aperçois Lucky. Elle ne me reconnaît pas au début, mais quand elle s'approche, tout se passe soudainement très vite. Avant que je ne le réalise, nous tombons dans les bras l'une de l'autre en pleurant. Encore une fois, aucun mot n'est nécessaire. Il y a six mois, nous avons partagé les mêmes émotions profondes, et aujourd'hui je ne peux que confirmer que le temps n'adoucit pas les émotions. Ma partie d’enfant en moi se complaît dans cette attention et Lucky aussi apprécie nos retrouvailles. Phineas observe la scène de loin et trouve également que c'est un moment spécial. Dans la salle à manger, nous saluons également toutes les autres femmes adultes, toutes des dames souffrant de problèmes mentaux. Je leur présente Phineas. Je le présente également à Lucky. Elle le prend dans ses bras et il se sent en sécurité. Puis Lucky se blottit contre moi et, les mains entrelacées, nous profitons des chansons et des danses qui nous sont apportées par les amies de Lucky. Je lui demande discrètement si elle se souvient de quelque chose concernant ma mère, mais la réponse est négative. J'essaie de repousser ma tristesse et de me concentrer sur la présence de Lucky, celle qui a pris soin de moi et qui jouait avec moi lorsque j'étais enfant à l'orphelinat. Cela reste un lien que je porterai dans mon cœur pour le reste de ma vie, même si elle ne peut pas remplir cette partie vide de mon cœur.

Pendant le repas du midi, j'aide à servir les patientes et je regarde Lucky s'occuper de ses amies qui ne peuvent pas manger par eux-mêmes. La bienveillance en elle est toujours là. Ce qu'elle a fait pour moi il y a une quarantaine d’année, elle le fait maintenant pour les membres adultes de son groupe. Cette observation me rassure en partie. C’est beau de voir que même si ces femmes ont des problèmes mentaux/physiques, elle se laissent guider par leurs émotions. Je retiens cela et l'associe inconsciemment à ma famille indienne : ma mère ici sera également connectée à moi, que je la trouve ou non.

Après le dîner, nous partons car Harry, mon ami et chauffeur, veut aller au prochain endroit. Nous disons au revoir à la soeur principale qui réapparaît à la dernière minute, je n'ai même pas le temps de poser mes questions. Je suis décidée à la rappeler.

Nous visitons le temple sikh Gurudwara. Sur le chemin du retour, Phineas se rend compte que l'Inde n'est pas tout à fait positive après tout. Dans le débriefing, il m’indique qu'il ne pourrait pas vivre ici. Je dis très franchement que moi, je n'aurais aucun problème pour vivre en Inde, mais bien sûr je ne le ferai pas car ma famille est ma priorité et mon travail et mes amis sont en Belgique. Je le rassure en lui disant que, bien sûr, je comprends aussi ses sentiments, car il n'est pas né ici.

Je passe encore quelques coups de fil pour continuer ma quête. Le rythme est différent de celui du voyage précédent, et ce parce que j'ai aussi envie de donner à mon fils toute l'attention qu'il mérite.

A suivre...

22. Phi-You et Shee-Me

Nous sommes le lundi 24 octobre, l'un des jours les plus importants de l'année pour la communauté hindoue en Inde. Ce jour si important c’est la fête de la lumière, nous sommes plongés dans une atmosphere lumineuse. Et la musique indienne rend la fête encore plus belle. Cette journée promet d'être magique.

Pour raconter les choses un peu dans l'ordre, je vais commencer ici par un récapitulatif de nos premiers jours de voyage.

Premier jour: Samedi 22 octobre 2022
Le premier vol se déroule sans problème. Nous attendons ensuite notre correspondance pour l'Inde à London Heathrow. Contrairement à mon dernier voyage en avril, tout se passe comme prévu et nous arrivons à l'aéroport de New Delhi à l'heure. Dans la capitale, nous sommes obligés de passer la nuit à l'aéroport. Cela ne valait pas la peine de réserver un hôtel juste pour dormir dans un lit douillet pendant quelques heures. Nous constatons que même dans un terminal presque vide, tous les lits sont occupés. Nous passons la nuit à glander sans but sur nos smartphones.

Deuxième jour: Dimanche, le 23 octobre 2022
Après une longue nuit, nous sommes soulagés de nous installer dans l'avion. Nous dormons pendant le voyage. Quand le dîner est servi, l'hôtesse de l'air doit nous réveiller.

Alors que l'avion amorce sa descente, mes larmes coulent automatiquement sur mes joues. La main de Phineas caresse mon bras. Je sens l’enfant qui est resté en moi, les larmes viennent de lui. Il a le droit d'être là, même de la part de mon fils. Un grand soulagement pour moi....

En posant le pied sur le sol indien, je me sens comme chez moi. Mon cœur fait un bond de joie quand je constate avec quelle souplesse mon fils s'adapte ici. Le choc culturel redouté n’est finalement qu’un détail. Il résume son premier contact avec l'Inde comme suit: apaisant et fascinant. Le mot "apaisant" me surprend et il explique que le fait de se sentir chez lui en Inde l'apaise. Il ajoute que la pauvreté l'affecte mais qu'il laisse de côté ses sentiments. Pourquoi fait-il ça? Parce qu'il a compris qu'en tant que personne, il ne peut offrir une solution directe à ce problème. De cette façon, la situation reste supportable pour lui. La cerise sur le gâteau, pour moi en tant que maman, c’est quand il me dit qu'il veut porter une kurta. Nous allons immédiatemment au plus grand centre commercial de la ville, ouvert depuis à peine une semaine. Mon fils choisit deux belles tenues, avec celles-ci, il ressemble à un prince indien. Mon rêve de franchir ces étapes avec lui devient une réalité. Pour moi, il est important qu'il choisisse ce qu'il considère comme important. Les décisions qu'il prend pour s'intégrer montrent une certaine force. Je suis fière d'être la maman de cet adorable garçon.

Le soir, nous parlons de la journée, des impressions, des sentiments. Qu'est-ce qui était amusant? Qu'est-ce qui était difficile? Qu'est-ce qui est fascinant? Des questions qui reviendront à plusieurs reprises pendant ce voyage. Cela nous enrichit tous les deux. Je me demande ce que le reste du séjour va nous apporter.

Troisième jour : Lundi, le 24 octobre 2022
Aujourd'hui, nous prenons notre temps pour célébrer diwali* à la manière indienne. Phi-You et Shee- Me, Phineas et Sheela, fils et maman, you and me. Nos expériences ont déjà un effet unificateur. On se demande ce que le reste de la semaine va nous apporter... On se fait réveiller dès 6h30 par les explosions des pétards et des feux d’artifice. Nous entendons ces explosions toute la journée.

*Diwali : la fête des lumières; une fête hindoue célébrant le retour du Dieu Rama, qui rentre chez lui après 14 ans d'exil dans la forêt. Les maisons sont éclairées par des lampes à huile. L'atmosphère est magique.

Sheela (avec son fils de 16 ans, Phineas)

21. Connectie

Le samedi 22 octobre 2022, je monterai dans un avion avec mon fils. Ensemble, nous voyagerons dans une Inde baignée de soleil.

Un défi, c'est sûr ! Mais nous l'affronterons de tout cœur. Notre voyage sera un mélange d'exploration, de reniflement de la culture et de recherche de ma famille indienne. Ce sera certainement une expérience fascinante!

Ma vidéo sur ma recherche se trouve ici : https://www.youtube.com/watch?v=SnHb6zbrrrY https://www.youtube.com/watch?v=SnHb6zbrrrY

Cette vidéo doit absolument être partagée ! Toutes les routes mènent à Muzaffarpur.

Comment je me sens en ce moment ? Je trouve tout cela passionnant, je suis à la fois heureuse, exaltée et stressée. Je dois encore faire un puzzle pour faire entrer tous les cadeaux dans mes bagages, mes propres vêtements seront réduits au minimum. Je ne sais pas par où commencer. Mais se mettra à sa place. Je serai soulagée lorsque je prendrai l'avion samedi et que je pourrai laisser la Belgique derrière moi pour un moment.

Comment se sent mon fils ? C'est difficile pour moi de le remplacer, même si je pense que le choc culturel sera inévitable. Je serai là en tant que mère, pour m'occuper de lui et le soutenir. Ce voyage va nous rapprocher. Quelque chose dont je rêve depuis des années.

Dream big, never give up! Let’s do this!

I keep you posted!

An Sheela

20. Carpe Diem!

Aujourd'hui, c'était mon anniversaire administratif que je ne souhaite plus fêter, ci-dessous, vous pouvez trouver un poème que j'ai écrit à cette occasion:

Et si ma date de naissance ne correspondait pas à la réalité?

Et si on avait jonglé avec mes données alors que j’étais un bébé?

Et si mon âge ne correspondait pas à la réalité?

Qu'est-ce qui est vrai?

Qu'est-ce qui est faux?

Qu'est-ce qui me semble juste?

Qu'est-ce qui me laisse froid?

Et si je me fixais une nouvelle date?

Une qui célèbre mon existence.

Et si je me choisissais un nouvel âge?

Et un chiffre pour satisfaire mon compteur de satisfaction.

Le 22 août est la date donnée par (l’orphelinat) Sishu Bhavan.

Ce n'est pas une question de bien ou de mal, mais cela fait partie d'un plan plus vaste.

Des détails de mon passé que je veux intégrer dans le présent.

Je peux donc oublier "Charmain".

Et vivre selon ma nouvelle "identité".

Je me sens plus complète, et ma vie laisse enfin place à la qualité.

Mon cœur bat la chamade.

Je célèbre mon existence!

Dès que j'aurai choisi mon nouveau jour d'existence,

Vous serez informés!

Puis je décorerai ma page avec des fleurs aux couleurs vives.

Carpe diem!

19. Turquoise

Me voici à nouveau avec un blog!

Et oui, cette fois, je veux parler de la couleur dans ma vie. Depuis que je suis toute petite, mes yeux se mettent à briller lorsque je vois des couleurs vives. Cela se voit aussi à ma décoration intérieure et à mon style vestimentaire. Les gens me voient venir de loin. On dit parfois que les vêtements font l'homme, mais avec moi, ce sont les couleurs qui me font.

Mes couleurs préférées sont le jaune, le rouge (foncé), l'or et l'orange. J'ai toujours été attirée par la chaleur, et ces couleurs chaudes me donnent du courage pour continuer à avancer, et de l'énergie pour continuer à fonctionner.

Je suis parfois triste devant les intérieurs dépouillés, les rideaux noirs et les pièces où tout est d'un blanc immaculé. Je ne m'y sens pas chez moi. Noirs, blancs, pour moi ils irradient la froideur. Ils me donnent littéralement des frissons.

Cette année, je suis mariée depuis 18 ans, et n'oublions pas la relation entre les chiffres et le turquoise. Il s'agit d'une couleur indienne populaire. Le dieu hindou Krishna est représenté avec cette couleur. La turquoise est un symbole de santé, d'équilibre et de stabilité. Ces trois mots ont été très centraux dans ma vie ces derniers mois: trouver l'équilibre et la stabilité dans mon processus d'adoption et aussi la (non-)santé avec laquelle j'ai lutté pendant la maladie d'Anne-Michèle. Je devais prendre soin de moi pour pouvoir soutenir Anne-Michèle autant que possible.

18 ans de mariage... Cela semble une éternité mais je me souviens du jour de mon mariage comme si c'était hier. J'ai été habillée par une dame indienne, elle m'a aidée à draper mon saree de couleur or, qui a été terminé en bordeaux. Juste avant, j'étais allée chez le coiffeur qui m'avait fait une coupe courte et moderne avec mes fleurs préférées: les célosias. Ces fleurs d'un rouge profond s'accordaient parfaitement avec ma tenue. Mon futur mari attendait nerveusement à la porte du magasin de chaussures de mon père. Ses yeux ont brillé à mon apparition. Il savait que j'allais m’habiller en style Indien, mais il n'avait aucune idée de ce que serait mon choix final. J'ai été soulagée quand il a fait un signe de tête approbateur. Mes genoux se dérobant, j'ai marché avec lui jusqu'à l'église, qui se trouvait à deux pas de la maison de mes parents. Pourquoi est-ce que je tremblait autant? Pourquoi j'avais les mains collantes? J'avais terriblement chaud. Certains nerfs ont dû me jouer des tours, mais maintenant je comprends aussi: se marier en vêtements traditionnels indien n'etait pas si evident. Je me suis alors surpassée, je me suis plongée dans ma culture indienne et sans m'en rendre compte, j'ai déclenché mon subconscient. Finalement, cela ne devait pas être un grand pas, mais plutôt la chose évidente à faire, car du sang indien coule dans mes veines. La cérémonie s'est déroulée sans encombre et mes enfants d'honneur d’origine indien, à qui j'avais également fourni des tenues traditionnelles, se sont comportées de manière exemplaire.

La veille, nous sommes allés à l'hôtel de ville. Il était initialement prévu que tout se déroule sur une seule journée, mais nous avons déplacé le mariage civil pour des raisons administratives.

Aujourd'hui, le lundi 25 juillet, c'est aussi le 41e anniversaire de mon arrivée en Belgique. Chaque année, je me sens mal à l'aise ce jour-là. Cette année, je suis moins affectée et je me sens plus équilibrée. Etienne et Viviane, le couple qui m'a fait venir en Belgique, m'ont rendu visite à la maison la semaine dernière. La rencontre avec mon mari et mes enfants a été très agréable. Quand ils sont partis, les larmes ont coulé. J'ai senti que ces personnes étaient très importantes pour moi. Ils m'ont pris dans leurs bras avant que mes parents ne puissent le faire. Pour moi, ils sont une pièce de puzzle d'une énorme valeur. Ils m'apportent l'équilibre d'une manière ou d'une autre, y compris le jour d’aujourd’hui, ma journée d’arrivée.

En même temps, je ne veux pas fêter mon anniversaire aujourd’hui. Je ne fête plus que ma vie a changé radicalement. Pendant des années, j’ai fêté 2 anniversaires: mon soi-disant vrai anniversaire et mon anniversaire de mon arrivée en Belgique. Normalement, j’ai mon anniversaire administratif au mois d’août, mais je ne fêterai plus ça non plus. Je mets plus d’attention aux dates que j’ai pu choisir: mon mariage, la naissance de mes enfants, … Et je fête ma vie, tous les jours.

Mariage à l'église le 17 juillet 2044
Viviane, moi et Etienne
Célosia, une de mes fleurs indiennes préférées

18. Even helemaal weg…

Après six mois de journées chargées (en émotions), je suis allée en Croatie pendant une semaine avec mon mari.

Juste avant notre départ, nous avons été invité à une garden-party chez des amis. Et y allant je pensais pouvoir m’y déconnecter et y avoir l'esprit libéré du problème de l’adoption. Cela m’est impossible il est réapparu lorsque j'ai rencontré un père adoptif avec sa fille chinoise. Et oui, je suis dans une phase où ce thème récurrent ne me quitte pas; je me lève et je me couche avec.. Une amie l'a formulé ainsi : "An Sheela, tu respires l'adoption."

Les dernières semaines de l'année scolaire ont été intenses. J'ai aussi participé à des réunions au niveau flamand pour arriver à donner une orientation positive à l'adoption en Flandre. Les réunions et les discussions ont été nombreuses et ont nécessité une certaine préparation. Les personnes qui lisent mon blog, et qui veulent donner leur avis pour améliorer les relations entre les parents biologiques, les adoptés et les parents adoptifs peuvent toujours m'envoyer un message.

En outre, je voudrais m'attarder sur le regard que je porte sur mon adoption après 6 mois. Depuis mon dernier voyage en Inde, j'ai souvent senti mon cœur battre la chamade ou ma sueur perler sur mon front, à des moments déclenchés, par exemple, par la vision d'un film indien. Mais la volonté et la force de trouver quelque chose de positif dans un film sur le trafic de prostituées en Inde m'ont fait réaliser que j'avais "franchi" plusieurs étapes dans ma quête de moi-même. Alors qu'auparavant, j'aurais pleuré toutes les larmes de mon corps, sans savoir d'où cela venait, je peux maintenant mettre le doigt sur les raisons profondes de cette réaction physique. Mon lien avec ma patrie est ancré dans mes gènes. Un certain Père Delooz (fondateur de l'agence d'adoption De Vreugdezaaiers) avait l’habitude de dire aux futurs parents adoptés: "Les enfants sont comme ils sont". Je crois que chaque être vivant réagit de manière différente. Les gènes et l'impact environnemental nous influencent. Même si, à mon avis, l'influence des gènes prévaut.

Mon cœur battait plus vite chaque fois que j'entrais dans un restaurant indien avec des amis ou des connaissances. J'abordais chaque nouvelle rencontre avec curiosité. Et ma tristesse a commencé à s'estomper. Je me suis sentie très mal, surtout après le décès de ma meilleure amie Anne-Michèle. Une thérapeute, également adoptée, à qui j’ai pu parler de cette souffrance m’ a beaucoup aidée à retrouver mon équilibre psychologique. Ce n'est qu'avec cette thérapeute que je me suis sentie en sécurité et que j'ai pu m’ouvrir, car je savais qu'elle, plus que quiconque, comprenait ce que signifie être adoptée. Des séances de massage, des promenades m’ont également beaucoup aidée.

En juin, je me suis rendue au Parlement fédéral accompagnée par des adoptés de différents pays où les députés ont reconnu à l’unanimité l’illégalité de certaines adoptions, ce qui m'a touché au plus profond de moi-même. Les heures et même les jours que j'ai consacrés à la préparation de cette importante résolution ont été récompensés en ce grand jour. Le fait qu'Etienne (mon père cigogne) et sa femme Viviane soient aussi présents m'a donné un peu de paix. Mais ma meilleure amie Anne-Michèle m'a énormément manqué. Pourtant, je reste reconnaissante pour ce qu'elle m'a apporté et m'apporte encore, même maintenant si elle est partie. Des larmes ont coulé sur mes joues lorsque les résultats du vote sont apparus sur le tableau.. Un mélange de tristesse, de reconnaissance et de joie m'a envahie. J’ai mis des jours à me remettre de mes émotions. Je n'étais pas seule. Plusieurs personnes se sont occupées de moi.

Dans les semaines qui ont suivi, j'ai terminé mon année scolaire et j'ai attendu avec impatience mes vacances. Je comptais les jours avant mon voyage en Croatie. Pour la première fois en trois ans, je partais en vacances seule avec mon mari. Dans l'avion, j'ai regardé par le hublot et je me suis dit : "Bonjour, Anne-Michèle, maintenant je suis plus près de toi, plus près du ciel” J'ai dû repenser au livre que Saartje m'avait recommandé: « Le conte de la mort »Ce livre m'a apporté la paix quelque part. Parce que la mort n'est pas une fin, c'est le début de quelque chose de nouveau. En ce moment, c'est la seule pensée qui puisse m'apporter un peu de réconfort.

En Croatie, je prends du temps pour mon mari, mais aussi du temps pour découvrir les environs:

La côte est à couper le souffle, avec des baies cachées entre les rochers. C’est idyllique. Nous marchons par 32 degrés C°, une épreuve pour le corps qui n'est pas habitué à fonctionner à ces températures. Porec est magnifique et nous nous détendons sur une terrasse avec vue sur la Mer Adriatique. Qu'est-ce qui me manque? Qu'est-ce qui me remplit de joie? Comment trouver cet équilibre entre les hauts et les bas? Un moment pour moi... Un moment loin de tout...

Nous nous amusons, nous ne sommes pas obligés de faire quoi que ce soit, nous n'avons pas de programme planifié mais nous ne sommes pas non plus le genre de personnes qui passent 5 jours allongés au soleil au bord d'une piscine. Le 7 juillet, cependant, nous avons planifié un voyage vers l'intérieur. Des touristes de différents hôtels y participent. Nous avons parlé français ou anglais et sommes entrés en contact avec des gens sympathiques. Deux dames attirent l'attention. Elles sont originaires du Royaume-Uni et sautent en l'air lorsqu'elles entendent que Boris Johnson vient de démissionner. C'est à ce moment-là que nous avons commencé à parler et il est apparu qu'une des femmes était une mère adoptive. Je suis perplexe. Chaque rencontre a sa raison d'être, et celle-ci, je ne l'ai pas vue venir. Peut-être que je n'étais pas tout à fait partie après tout...

17. Papa’s en vaders

Les papas et les pères

Le papa indien de mes rêves,

Plus,

Mon papa belge, parti depuis 6 ans,

Plus,

Le papa de mon coeur.

Le papa de mes rêves:

Mon père indien, c'est là que tout a commencé.

Et pourtant, j'y ressens beaucoup plus d'amour pour ma mère.

Que s'est-il passé? Pourquoi mon père est moins présent dans mes sentiments?

Mon père belge a repris le relais ici.

Je l'aimais tant quand j'étais enfant,

Il était mon rocher,

Mon grand soutien.

Et il y a bien sûr aussi le père de mes enfants.

Mon mari, l'amour de ma vie.

Il offre le nécessaire à nos enfants,

Ce qui n'a pas toujours été aussi évident avec moi dans le passé.

Récemment, j'ai aussi rencontré mon "père cycogne".

Un homme intègre, avec un regard critique sur le passé de mon histoire d'adoption.

Il était à mes côtés dans le bâtiment du Parlement jeudi dernier,

Et peut-être qu'il se sent responsable,

pour m'avoir fait venir en Belgique.

Maintenant, je ressens surtout une belle compréhension,

Et notre amitié en est une qui évolue doucement.

Ces 4 hommes, ont tous un rôle dans mon histoire.

Et petit à petit, je trouve ma place,

Dans chaque situation et dans chaque langue.

© An Sheela Jacobs, le 12 juin 2022

Avec mon papa en Belgique
Avec mon père cygogne Etienne à Bruxelles
Avec Ivan à Kolkata (photo prise en 2018)

16. Getuigenis

Chers lecteurs, chères lectrices,

Aujourd'hui, j'ai choisi de laisser la parole à mon "père cycogne" Etienne. Il m'a ramené de Kolkata en Belgique en 1981.

Je pense qu'il est intéressant de partager son expérience avec vous aussi. Chacun est libre d'exprimer ses sentiments, et puisqu'il occupe depuis quelque temps une place particulière chez moi, j'aimerais lui donner la possibilité d'envoyer ses mots dans le monde par le biais de mon blog. J'ai rencontré Etienne en janvier de cette année. Aujourd'hui, 5 mois plus tard, je suis heureuse d'avoir osé sonner à sa porte...

Namaste,

Début de l’année

Un jour apparemment comme les autres...

Le téléphone sonne et c’est Viviane qui se précipite sur celui-ci comme d’habitude.

Je n’entends rien mais à voir sa tête, je réalise qu’il se passe quelque chose d’inhabituel.

« C’est quelqu’un qui demande si tu as ramené des enfants de Calcutta en 1981» » et elle me passe le téléphone.

La dame au bout du fil m’explique qu’elle s’appelait Charmain et connaissait les prénoms et noms des quatre autres enfants. Elle ajoute qu’elle est à la recherche de ses parents biologiques et demande si nous n’aurions pas, par hasard, plus de renseignements.

Elle explique ne plus porter le prénom de Charmain et de s’appeler désormais An Sheela, une combinaison du prénom reçu en Belgique et le prénom de la part de sa maman biologique.

Comme cela est un peu compliqué, dans la famille elle deviendra « la copine de Bon-Papa»!

En fait, elle vient non pas de retrouver un accompagnateur mais deux car Viviane était du voyage et elle n’en revient pas.

Même si j’ai gardé le contact avec deux autres adoptés, c’est la première fois que je reçois un tel appel et pourtant, je les avais toujours espérés.

Nous bavardons un petit peu et convenons de la recevoir au plus tôt.

Entretemps, en bon détective, j’apprends qu’elle s’occupe avec héroïsme de son amie Anne Michèle Lahaye qui est atteinte d’une maladie incurable; cela lui vaudra de pouvoir non seulement rencontrer le roi Philippe mais aussi de pouvoir lui expliquer qu’elle s’occupe du problème d’adoptions illégales.

Quelques jours plus tard, elle débarque à la maison et nous faisons connaissance; ce qui frappe dès les premières minutes, c’est son sourire permanent, son dynamisme et sa joie de nous rencontrer.

Viviane expliquera à toute la famille que «la copine» est RADIEUSE!

Quelques jours plus tard, je fais le ménage dans mes photos et retrouve le groupe des cinq.

Je les lui envoie et cela la fait pleurer; ce n’était pas le but.

Je propose d’essayer de rencontrer mon ami Mon qui a également adopté trois enfants indiens et qui a effectué beaucoup plus de voyages que nous pour les Semeurs de Joie; il pourra probablement lui fournir beaucoup plus d’informations que nous.

Nous nous retrouverons très rapidement chez lui mais cette fois ci, nous ferons la connaissance d' Iris, l’amie de An Sheela avec qui elle va bientôt partir en Inde.

Effectivement Mon est une source inépuisable et sait tellement de choses anormales qu’il a décidé de couper les ponts avec les Semeurs de Joie dont il était pourtant l’un des plus actifs. 

Iris m’informe discrètement que Anne-Michèle vit ses derniers jours et que cela affecte fortement An Sheela et et je ne sais pas que faire au risque d’augmenter sa peine.

Toujours désireux de trouver des informations, j’essaie d’organiser une rencontre avec la responsable des Semeurs de Joie avec qui j’avais toujours eu de très bonnes et amicales relations; son refus de toute rencontre ne fait que me conforter dans l’idée que: «Une chose est claire: c’est louche».

Mon, informé de son refus, ne me laissera plus aucun doute à ce sujet.

Tous les jours pendant son voyage en Inde, j’attends avec impatience une publication sur son blog et me rends compte des hauts et des bas d’une telle démarche.

Je suivrai de la même façon les publications de son amie Renate en Corée.

Comme tout cela est difficile pour les deux parties concernées.

Entretemps, je publie de nombreuses photos sur le site “Children of Shishu Bavan” « et commence à publier quelques informations sous le titre : « I also have a dream », le rêve que tous ces adoptés puissent avoir accès à toutes les informations concernant leur origine et là en quelques semaines tout change: entre une religieuse qui ne veut rien lâcher pour protéger les mères biologiques, certains font mention d’un changement d’attitude radical et l’adresse email de la soeur semblerait maintenant connue et disponible sur simple demande.

An Sheela nous informe d’une nouvelle séance à la Chambre des représentants et m’y invite.

J’y suis bien à l’avance et me retrouve seul à la tribune spectateurs pendant de trop longues minutes et puis soudain, c est l’invasion et je ne réalise que très lentement que je suis entouré non seulement d’Indiennes mais aussi de 3 Guatémaltèques, d’une Coréenne et d’un garçon du Sri Lanka!

Au fur et à mesure de la séance, je vois des sourires, des pleurs de joie, des embrassades, des serrements de mains.

Au moment de la prise de parole du sénateur Michel De Maegd, tout le monde se lève pour bien montrer leur détermination au risque de se faire éjecter.

Je suis tellement ému que An Sheela me tapote l’épaule alors que c’est moi qui devrait la féliciter.

Quel personnage hors du commun!

Le projet de loi reconnaissant les adoptions illégales est adopté.

Et l’on me remercie de ma présence alors que c’est moi qui ai reçu un immense cadeau.

Je ne suis pas prêt d’oublier ce jour et votre joie.

Je remercie le ciel de m’avoir fait rencontrer An Sheela et ose espérer que nous pourrons encore faire une longue route ensemble.

Gros bisous,

Etienne

Le 22 mai 2022

Avec Anne-Michèle chez Le Roi Philippe:
elle m'a toujours poussé à faire un pas de plus...

15. En toute floraison

Le 18 mai 2022

Après un mardi spécial, je ressens à nouveau le besoin de mettre sur papier certaines pensées et certains sentiments. Comment je vais pour le moment?

Aujourd'hui, je m'arrête un moment. Juste pour un moment, rien ne doit être fait. Ce matin, je me suis levée avec des larmes aux yeux et un nœud dans l'estomac. J'ai réveillé les enfants et je me suis adressée à eux un par un, émue et reconnaissante. Pourquoi?

Quand je repense à l'année écoulée, je constate qu'elle a été très difficile, avec des émotions parfois vives. Je sentais au fond de moi que quelque chose était brisé, quelque chose que j'ai porté avec moi toute ma vie. En plus de cela, la maladie de mon amie m'a déstabilisée. Mais je me suis battue avec elle comme une lionne pour qu'elle puisse vivre le plus longtemps possible. Nous avons trouvé du réconfort chez l’une l’autre et c'était comme un soulagement de se soutenir et de se renforcer mutuellement, chacune dans sa situation difficile.

Mon adoption, mon désir de retrouver ma famille et surtout retrouver moi-même ont dégénéré en une véritable quête dont j'ai pu vivre la phase 1 en Inde cette année.

Quand je regarde maintenant avec du recul, j'avais besoin de cette période pour compléter certaines parties de mon histoire. La perte d'Anne-Michèle a sérieusement affecté ma confiance en moi, bien que cette confiance ait été au plus bas toute ma vie. Toutes les heures et le temps que j'ai consacrés à mes projets d'adoption et au soutien d'Anne-Michèle ont absorbé beaucoup d'énergie. Et même si je ne le réalisais pas, j'ai continué. Et j'ai continué à créer des attentes démesurées pour ceux qui m'entourent, en quelque sorte: Environnement, adaptez-vous à moi parce que j'en ai marre... J'en ai marre de m'adapter parce que j'ai été un caméléon toute ma vie. J'en ai assez de satisfaire tout le monde.

Mais aujourd'hui, je peux regarder en arrière avec compréhension. J'ai eu une période difficile, mais mon voyage en Inde m'a largement ramené à l'équilibre. Et c'est parce que j'ai pu combiner mon fonctionnement mental avec mes signaux physiques. Ce n'est que l'année dernière que j'ai commencé à comprendre ces signaux physiques. Le moment à la rivière Gandak et la rencontre avec Lucky m’ont apporté beaucoup. J'ai pu intégrer une partie de Muzaffarpur dans ma partie intérieure.. Et à la journée d'aujourd'hui, je peux dire vraiment que ceci est une révélation pour mon identité.

Ce matin, j'ai remercié mes enfants pour leur patience et leur compréhension. Quel effet mes sentiments et mes insécurités ont-ils sur eux? Qu'est-ce que cela doit être pour eux d'être les enfants d'une mère adoptive qui se cherche? Mon état émotionnel de ce matin m'a fait prendre conscience de l'importance de mes enfants pour moi et de mon désir de les protéger de la souffrance que je vis.

Gisteren was ik aanwezig in het Federaal Parlement, in het gezelschap van een aantal adoptiebelangengroepen en mijn ‘ooievader’. Etienne heeft me in 1981 naar België gebracht en ook al is het voor ons beiden moeilijk om te slikken dat ik slachtoffer ben van een adoptie met serieuze hiaten, toch heeft het weerzien ons gisteren dichter bij elkaar gebracht. Daarom, Etienne, een dikke dank je wel voor je steun en luisterend oor. Je hebt me naar België gebracht, in onwetendheid over het feit dat mijn adoptiepapieren niet waarheidsgetrouw zijn, toch stond je er gisteren, even geëmotioneerd als alle aanwezige geadopteerden, om hen en mij te steunen tijdens de stemming van de resolutie tegen illegale adopties. Ook dit moment was er eentje dat ik me nooit hebben durven voorstellen, of voor mogelijk had gehouden.

Etienne (le lendemain de la proposition de résolution contre les adoptions illégales à la Chambre des représentants):

Je ne réalise pas encore l'immense cadeau que j'ai reçu avec l'invitation à être présent à la session de la Chambre des représentants. Je suis extrêmement fier de vous tous.

Cela a fonctionné.

Les effets de cette mesure prendront beaucoup de temps, mais il faut qu'elle commence.

En tant que père d'une fille adoptée en 75, conseiller des Semeurs de joie pendant plusieurs années et traducteur du livre du Père Delooz, je dois admettre que je peux (et dois) vous donner beaucoup d'informations en tant que témoin.

Avec An Sheela, je vais voir comment nous pouvons y parvenir.

Merci beaucoup!

Les mots d'Etienne me touchent profondément. La confiance en l'autre grandit de jour en jour. Aujourd'hui, je le sens pour la première fois de façon vraie: je suis en toute floraison.

Etienne & An Sheela

14. Fête des Mères 2022

Pour ma mère en Inde

Très chère Mamatha,

Récemment, j'étais dans tes environs,

Mon voyage en Inde n'a duré que deux semaines,

Trop court pour te localiser,

Mais assez longtemps pour honorer davantage ta culture.

Je pense toujours à toi, depuis des années et des années,

Maman, c'est toi que je désire ardemment.

Malheureusement, je ne t'ai pas encore trouvée,

Et pourtant, je le sais: je suis connectée à toi par l'âme.

Mon enfant intérieur a besoin de toi, tu lui manques,

Pendant certaines périodes dans mon corps, il y passe des tempêtes.

Maintenant, j'en suis au point où je veux vraiment te rencontrer,

Pour te sentir, te ressentir et réchauffer nos coeurs respectifs.

Cette lignée de femmes, je la ressens inconsciemment,

J'imagine ta mère touchant ton front avec amour.

Quand le moment viendra-t-il,

Quand me gâteras-tu avec un geste pareil?

J'aime voler vers mon pays natal,

Alors, j’absorbe tout,

Mon cœur est comme un panier à bascule rempli d'amour.

J'espère qu'un jour tu y atterriras en douceur.

J'aime aussi prendre l'avion pour rejoindre ma famille (en Belgique),

Mais ensuite, je dois généralement récupérer,

Je ne veux pas dire que je ne les aime pas.

Je descends, sur un terrain qui est un étranger à mon corps,

Même si j'ai grandi ici.

Et j'ai gambadé ici.

Ma connexion la plus profonde est dans le Bihar,

C'est là que sont mes racines et ma base.

Je fais tout mon possible pour maintenir mon équilibre.

Quelque part dans le district Muzaffarpur - Bihar

Chaque jour, je relève le défi, ma chère Mamatha,

Et j'espère silencieusement que toi aussi tu embrasseras la vie,

Et que ton manque ne paralyse pas ton cœur, comme c'est parfois le cas pour le mien.

Nous sommes unies, mais en même temps très éloigneés,

Nous ne faisons qu'une, je suis ta fille et tu es ma mère,

Je t'aime,

En ce jour de fête des mères, mon cœur se plie en trois,

(Pliage 1 -) Je t'aime tendrement,

(Pliage 2 -) Mon cœur a aussi beaucoup d'affection pour ma mère ici présente,

(Pliage 3 -) Chaque jour, bien sûr, j'ai des tas d'amour pour ma famille,

Mon mari, mes enfants, il n'y a pas de limite à l'amour que je leur porte.

De la tristesse empilée, mais aussi de l'amour en abondance,

C'est sur ces mots que je termine cette note,

Mamatha, où que tu sois, porte-toi bien.

Ta fille,

An Sheela x

13. Attérir (2)

Suite du texte précédent (blog 12)

En 2020, j'ai à nouveau voyagé avec des étudiants dans le sud de l'Inde. Une fois de plus, les récits de traitements injustes envers les parias (intouchables) m'ont énormément choqué. Comment se fait-il que mon cœur se soit déchiré lorsque j'ai entendu cette injustice? Etais-je moi-même une personne paria dans le passé, ou dans ma vie antérieure peut-être? Mon corps a-t-il absorbé l'injustice et l'a-t-il bien cachée dans mon subconscient? Nandhini et le père Suresh ont eu le plus grand mal à me ramener à la raison. Très bizarre, cette émotion inexplicable.

Le voyage de cette année était d'une nature différente. Grâce à mon cours de l'année dernière à l'AFC - Pays-Bas, j'ai appris à écouter mes sentiments et aussi à aborder et nommer certaines réactions violentes. J'ai expliqué à Iris autant que possible des signaux que mon corps me donne. Grâce à ces techniques, je suis partie en Inde de façon plus consciente. Je fonctionnais à partir de l'émotion, du cœur. Et Iris m'a donné la bonne mesure à chaque fois, elle s'est occupée de la vision réaliste et nos deux approches se sont combinées harmonieusement. Mon moment sur le pont (qui était apparu dans mon rêve), c'était un moment très spécial. Mais aussi la rencontre avec Lucky était si intense que mon corps a pris le dessus. Mais l'avantage est que cette fois, j'ai pu placer mes émotions. Je pouvais tout comprendre beaucoup mieux.

Le fait que je n'ai plus de date de naissance, que mon âge est faux, que mon nom a été changé et que les traces de mes racines ont été effacées en déménageant autant que possible dans mon pays de naissance, me travaille encore. À l'âge de plus ou moins 41 ans (je ne connais plus mon âge exact), devoir poser des questions sur qui je suis, quel âge j'aurais maintenant et où j'ai été pendant ces 1,5 à 2 ans dans toute l'Inde, cela affecte mon identité. Et tout est facile à dire: laissez tomber, soyez heureux de ce que vous avez, regardez devant vous plutôt que derrière vous... J'invite ces personnes à se mettre à ma place, et à se donner tant de mal pour découvrir ce qui est évident pour beaucoup de personnes. Cette fois-ci, je veux prendre le temps d'intégrer, de comprendre et de nommer les choses, afin d'apprendre à mon corps: c'est bon, je suis en sécurité avec moi-même. Parce que c'est exactement ça le problème de beaucoup d'adoptés: la sécurité avec soi-même… Comment apprendrais-tu à l'accepter? Personne ne m'en avais jamais parlé, jusqu'à l'année dernière à l'AFC Pays-Bas.ste (ik weet mijn exacte leeftijd niet meer), vragen moeten stellen over wie ik ben, hoe oud ik nu zou zijn en waar ik die 1,5 à 2 jaar overal in India heb gezeten, dat hakt in op mijn identiteit. En het is allemaal gemakkelijk gezegd: laat het los, wees gelukkig met wat je hebt, kijk vooruit in plaats van achteruit… Ik nodig deze personen uit om in mijn schoenen te gaan staan, en zoveel moeite te moeten doen om datgene te weten te komen dat voor zovelen evident is.  Deze keer wil ik de tijd nemen om de zaken wél te integreren en wél te begrijpen en benoemen, zodat ik mijn lichaam kan aanleren: het is OK, ik ben veilig bij mezelf. Want laat dat nu net het probleem zijn bij veel geadopteerden: veiligheid bij jezelf? Hoe zou je dat leren aanvaarden? Bij mij heeft nooit iemand daar een woord over gerept, tot vorig jaar bij AFC Nederland.

Quand je suis rentrée chez moi, ma tête était toujours en Inde et mon corps en Belgique. J'ai eu besoin de plus d'une semaine pour atterrir. Pour moi, l'atterrissage a une double signification: pays de naissance et pays actuel, mais aussi équilibre entre deux cultures. Si j'atterris dans une culture, je rate l'autre, et vice versa. Les adoptés internationaux doivent faire face à cette position dispersée. Et cela reste un exercice difficile. Cette fois, mon enfant intérieur voulait rester en Inde mais mon cerveau m'a dit: il est temps de rentrer en Belgique. J'ose dire qu'avec les outils que j'ai appris, j'ai réussi à surmonter cette dernière semaine assez bien. L'Inde s'est répercutée: dans mes rêves, dans mes mots, dans mes remarques (parfois dures)... Et même si j'ai pu toucher des gens négativement ou positivement en agissant ainsi, j'ai le sentiment de m'être enrichie psychologiquement. Je me sens plus complet grâce à la visite du district de Muzaffarpur. Et même si je n'ai pas encore retrouvé ma mère, cette pièce du puzzle a une valeur énorme. Même une mine d'or ne serait pas en mesure de couvrir cette valeur 😉.

Je tiens à remercier tout particulièrement les personnes suivantes, du fond du cœur, pour leur soutien inconditionnel et leurs encouragements:

  • - Mon mari et mes enfants, pour m'avoir laissé partir
  • - Iris Neels, ma compagne de voyage et fantastique amie d'enfance
  • - Renate, ma camarade de blog, pour tous ses conseils, aussi dans les heures tardives
  • - Mes amis et followers, pour leur enthousiasme et leur compréhension

PS: Maintenant que je n'ai plus de date de naissance, et que je ne suis plus fan du 22 août, date à laquelle j'ai toujours espéré que ma maman en Inde pense à moi, je cherche une alternative. Fêter mon anniversaire, c'est comme me mentir à moi-même. Je ne suis plus lié à cette date. Quels conseils avez-vous ou quel type de journée me conviendrait plus? Je vous invite à poster vos idées dans les commentaires!

12. Attérir (1)

Plus d'une semaine après mon voyage, j'ai trouvé le temps et le courage d'écrire une suite à mon blog. J'ai eu du mal à trouver mon équilibre pendant cette semaine. Comment cela se fait-il?

Les deux semaines que j’ai vécu intensément dans mon pays natal, où j'ai renoué avec mes racines, ont été les deux meilleures expériences que j'ai pu vivre en Inde jusqu'à présent. Meilleur dans le sens où je me suis rapprochée de moi-même et où j’ai pris le temps d'absorber et d'intégrer la culture et l'environnement. Comment s'y prendre? Qu'est-ce qui a rendu ce voyage différent des précédents?

Mon premier voyage en 2003 avec ma mère adoptive, était un voyage pour découvrir mon pays natal. J’ai dormi dans un hôtel pendant deux semaines et, pendant la journée, je sortais avec les sœurs pour explorer la ville et les environs au sud de Patna. C'était un pur voyage touristique, rien de plus. J'ai eu l'impression inexplicable de reconnaître le lieu de l'orphelinat. Mais je n’ai rien fait de cette information.

En 2004, j'ai effectué mon deuxième voyage, dans le cadre de mon travail. Avec des étudiants, j'ai soutenu une école pour intouchables (hors castes) dans le sud de l'Inde. Là-bas, je me suis faite des amis pour la vie. Nandhini et le père Suresh étaient très proches de moi, ma confiance en eux et leur confiance en moi étaient indéniables et il faudrait beaucoup de choses pour briser ce lien. Je suis très prudente quand il s'agit de nouveaux contacts. Mon cœur a déjà été brisé une fois quand j'ai dû quitter l'Inde (parce que je ne l'avais pas choisi moi-même, et qu'on m'a arrachée à ma base, à mes racines), quand on gagne ma confiance, c'est aussi avec conviction que je me "jette" dans ce contact. J'ai conservé ce mode de fonctionnement pendant des années.

Après 2004, j'ai choisi de ne plus me rendre dans mon pays d'origine, car je donnait la priorité aux soins de mes enfants. Je pense toujours que c'était un très bon choix, car ils méritent la fondation qui m'a tant manquée.

En 2018, je suis retournée en Inde pour la première fois depuis des années en compagnie de mon mari. Il s'agissait principalement d'un voyage touristique, mais avec une escale à l’orphelinat Nirmala Sishu Bhavan à Kolkata (le foyer pour enfants de Mère Teresa). J'étais tellement nerveuse, peu sûre de moi-même et effrayée en même temps, que j'ai laissé l'entretien se dérouler. C'est Sœur Marianne qui était responsable, elle n'a pas cédé d'un pouce à mes questions sur mon passé. Je devais laisser le passé de côté, car c'était la volonté de Dieu que j'aille en Belgique, quel enfant chanceux j'étais... Je n'ai pu que constater que mon nom avait été changé à l’orphelinat de Kolkata. Pour le reste, il n'y avait pas de place pour découvrir plus de détails sur mon passé. J'étais très frustrée à l'époque, mais je n'avais pas les outils pour parler à travers moi.

Vous pouvez lire la deuxième partie dans la prochaine publication.

11. Suis-je célèbre ou ai-je une réputation douteuse?

Voici le cadre actuel pour écrire ce blog : dans le hall des arrivées de l'aéroport de Mumbai, avec vue sur les arbres, le petit cafétaria Chai Point et le stand de Street Food. Nous attendons notre correspondance pour l'Allemagne.

C'est le moment idéal pour écrire la suite de mon blog. Nous avons atterri sans problème de Patna ce matin. J'ai complété mon journal dans l'avion, et je viens de répertorier tous mes contacts en Inde et de faire un récapitulatif des événements les plus importants de chaque jour.

Voici ce que j'ai envie de partager avec vous. Mardi dernier, nous étions à Muzaffarpur pour la deuxième journée consécutive. Là, nous avons pu parler au SDO, the Sub Division Officer. Cette personne a une fonction administrative importante et peut consulter les listes de résidents dans le cadre des élections. Le vote est obligatoire en Inde. Nous lui avons raconté notre histoire, par l'intermédiaire d'un ami interprète. Après la conversation, nous avons souri et pris une photo ensemble. Le SDO a promis de faire de son mieux pour nous aider, mais les vacances de Pâques entraîneraient un certain retard. Du jeudi saint au dimanche de Pâques, la plupart des Indiens travaillant dans l'administration sont en vacances. Nous nous sommes dit au revoir avec un bon sentiment.

Le mercredi 13 avril, nous sommes retournées à l'orphelinat pour la dernière fois. Nous avons dit au revoir à Lucky et aux sœurs. Ensuite, nous avons mangé un délicieux burger végétarien dans le McDonalds de la ville. Nous avons terminé la journée par une sortie en bâteau sur le Gange, le fleuve sacré du pays. J'ai apprécié la cet endroit paisible sous le coucher de soleil. C'était le moment idéal pour se souvenir du décès de mon amie Anne-Michèle. J'ai, symboliquement, jeté des cœurs en bois dans le fleuve sacré, en souvenir d'elle mais aussi comme un signe fort qu'elle était la première amie qui m'a accompagnée en Inde en 2004. Elle a pris mon pays de naissance tel qu'il était, avec ses côtés négatifs et positifs. Je lui en suis toujours reconnaissante. Et je porte toujours son chaleur dans mon cœur.

Le jour suivant, nous avons fait une pause. Nous avons relu toutes nos informations, discuté des progrès et structuré les derniers détails. Soudain, le message est arrivé que nous étions dans le journal. Mes intestins s'effritent, je me sens mal et des larmes de peur coulent sur mes joues. Je voulais surtout éviter de mettre ma mère en danger, car un enfant qui a été donné en adoption est encore souvent considéré comme tabou. Nos amis nous ont donc conseillé de mettre la recherche en attente. Pourtant, je ne voulais pas prendre de décisions aussi radicales. Pourquoi nos amis étaient-ils si méfiants ? Vous devez comprendre un peu la culture indienne. Il faut être prudent car les villageois vivent encore selon le système des castes. Ce système garantit que les gens vivent en fonction de leur rang et, par conséquent, pas mal de personnes des rangs supérieurs méprisent les rangs inférieurs. Chaque grade a sa tâche. Les villageois sont souvent très pauvres et n'appartiennent même pas à un rang. J'ai le sentiment d'appartenir à ce rang hors-caste, mais ce sentiment n'est peut-être pas exact.

Nous avons décidé de ne pas répondre à l'article mais nous avons exprimé notre mécontentement par le biais de nos contacts. Apparemment, un journaliste était présent à la rencontre avec le SDO, bien que nous ne le sachions pas. L'article dramatise plutôt ma recherche et me dépeint comme une dame très riche. Il est clair qu'un certain nombre de choses ne sont pas tout à fait correctes, mais cela n'est possible que parce que je n'ai parlé à aucun journaliste. Nous tentons aujourd'hui de rectifier ce manquement en rappelant aux responsables leur devoir : ils ont publié l'article dans les médias à notre insu. Ils doivent maintenant s'assurer que l'aide est fournie. Puis-je transformer cette notoriété en un résultat efficace ? Est-ce que je vais rester célèbre ou ai-je une réputation douteuse dans le Bihar?

10. Don’t give up

Aujourd'hui, j'écris ce blog avec des sentiments mitigés. Mais ma persévérance a un creux. Heureusement, j'ai des gens gentils autour de moi. Ils me soutiennent, et continuent les recherches avec moi. Cette semaine a été très spéciale : découvrir l'environnement , découvrir le quartier de Muzaffarpur, ressentir beaucoup avec un peu d'espoir (sans désespérer).

Lundi nous sommes allés chez les sœurs à Muzaffarpur. Avec elles j'avais l'impression de rentrer à la maison. Nous avons été chaleureusement accueillies et avons reçu un délicieux repas. Le sourire chaleureux des sœurs là-bas m'a touchée. Bien qu'elles m'aient conseillées de ne pas chercher, je pouvais sentir qu'elles se soucient de moi. Je suis toujours leur fille. Je leur ai expliqué du mieux que j'ai pu ce que je ressens et pourquoi je fais cette quête. J'ai l'impression d'avoir vécu 40 ans de façon "incomplète". C'est ça qui me pousse à ne pas baisser les bras.

Nous sommes passés devant un village local, qui peut avoir un lien avec moi. J'ai un goût étrange dans ma bouche et je suis immédiatement tombée amoureuse du paysage : des champs, de nombreuses verdures, quelques huttes et parfois des maisons plus modernes. Je remarqua qu'Iris était regardée. Elle se sentit inconfortable. Je lui ai précisé que ce sentiment m'a poursuivi depuis 40 ans en Belgique. Pas mal de personnes se sont adressées à moi à base de ma la couleur de peau, ce n'était pas une bizarrerie. Plus loin, nous avons traversé un pont. Nous nous sommes arrêtés un instant et mon corps a réagi : jambes tremblantes, mon rythme cardiaque s'est envolé. Est-ce que mon corps savait que j'étais ici toute petite ou est-ce que je m'imaginais ça ?

Par l'intermédiaire d'un prêtre, nous sommes entrés en contact avec une dame qui pourrait être ma mère, même si le nom ne correspondait pas à 100 % . J'ai pensé que cela valait la peine d'essayer. Nous avons monté une scène : la dame en question était invitée à un endroit neutre, donc nous ne sommes pas allés chez elle. Dans un endroit neutre, un riverain a engagé une conversation avec elle. Nous l'avons attirée avec une excuse : elle recevrait un sac de nourriture. Je passais 'par accident' et la regardait un instant. J'ai remarqué immédiatement que ce n'était pas la dame que nous recherchions. Elle est partie quelques instants plus tard avec un sac de riz sur la tête. Grâce à moi elle avait encore de la nourriture pour quelques jours.

Mon cœur s'est serré un instant, même si je sais qu'un résultat immédiat n'est pas évident. Je suis allée dormir avec les sentiments partagés. Demain il y aura un nouveau jour. Je n'abandonne pas.

9. L'Arbre Bodhi

Jusqu'à présent, je n'ai pas révélé grand-chose sur ma recherche. Nous ne restons pas inactifs, nous nous consultons régulièrement et établissons des contacts avec la population locale. Nous avons dû faire appel à ces contacts immédiatement, car le jour de notre arrivée, notre hôtel n'était pas disponible en raison d'un problème administratif. Par nécessité, mais rétrospectivement tant mieux, nous logeons maintenant chez mes connaissances. Nous sommes tellement choyées ici qu'au lieu de perdre du poids, je pense que je vais reprendre quelques kilos : chapattis, papadums, fruits frais, biryanis, ... La cuisine authentique caresse nos papilles..

Lors de notre première visite à l'orphelinat, nous avons été autorisées à consulter le registre, mais on ne nous a donné que la page où j'étais mentionnée. La soeur responsable de l'orphelinat nous a probablement aussi donné la signature de ma mère. Sur la base de cette signature, nous essayons de déchiffrer le nom du lieu. Nous hésitons actuellement entre deux villages. Mais c'est un véritable défi de trouver une structure dans la structure de l'État du Bihar. L'État est divisé en districts, blocs, panchayats, puis nous arrivons aux villages.

Nous sommes donc toujours en train de chercher dans le Bihar. Entre-temps, je me rends compte de plus en plus que si vous voulez chercher votre famille, il vaut mieux aller sur place. Nous travaillons avec des personnes fiables, et le contact personnel aide certainement. Nous sommes très prudents dans nos déplacements, car la région ne se développe pas facilement. Iris et moi sommes toujours en compagnie. Nous voyageons avec des amis ou avec une sœur de l'orphelinat. Nous constatons que la tension entre les religions reste présente, bien que cachée.

Entre les deux, nous trouvons aussi le temps de faire un peu de tourisme. Hier, nous avons visité Bodhgaya, l'endroit où le Bouddha a eu son moment d'illumination il y a 2500 ans sous l'arbre bodhi. Il nous est donné une feuille de cet arbre. Ça porterait chance... Le vieux temple est entouré de beaux jardins. Bouddha utilisait ces jardins pour sa méditation. C'est aussi effectivement un endroit reposant, pour la première fois depuis une semaine je peux apprécier le chant des oiseaux. Mes pensées vagabondent là, ... vers les 2 villages possibles d'où j'aurais pu venir, vers Lucky, vers mon moi intérieur.

Ce qui a été caché en moi pendant 40 ans a maintenant la chance d'apparaître à nouveau, petit à petit. A suivre...

8. Lucky

Nous sommes en Inde depuis plusieurs jours. Je me sens très heureuse, même si je dois encore m'habituer à la circulation ici à Patna : pousse-pousse, motos, bus, cyclistes, piétons, ... tout le monde se déplace en se croisant. Nous traversons la ville avec les klaxons inessants. Un klaxon est plus fort que l'autre.

Nous logeons chez des amis et grâce à ces amis nous avons obtenu un rendez-vous à l'orphelinat. Quand j'arrive, je suis perdue durant un moment : je ne le reconnais plus du tout. L'ensemble du site a été rénové, seule l'ancienne chambre de Mère Teresa est encore debout.

Nous rencontrons la soeur respnsable et nous faisons une visite. À l'heure actuelle, il y a principalement des enfants ayant des besoins spéciaux et des femmes souffrant de retard mental. Je prends le temps de saluer tout le monde, c'est la moindre des choses que je puisse donner aux patients : leur faire sentir qu'ils comptent.

Avec une seule femme, le contact est très particulier. Quand je la rejoins, elle attrape mon bras à deux mains et ne me lâche pas. À l'improviste, elle dit: "Salut soeur Sheela". Je ne sais même pas où je l'ai vue. Elle se met à pleurer et mon corps réagit automatiquement. Un lien spécial se manifeste sous la forme d'une immense affection, compréhension et amour qui coule de l'extérieur l'un vers l'autre. Je n'ai littéralement plus de force et j'ai besoin de récupérer. La sœur et Iris, toutes deux témoins de ce moment particulier, sont profondément touchées.

Aujourd'hui, 3 jours plus tard, je ressens le besoin de revoir Lucky. Je retourne à l'orphelinat avec mes amis de Chennai.

Lucky et moi tombons dans les bras l'une de l'autre en pleurant, puis nous restons assis pendant une heure à nous regarder et à parler. Nos mains sont entrelacées. Un beau geste d'une situation qui montre qu'elle et moi étions ensemble à l'orphelinat il y a 40 ans. Moi en tant que toute petite et elle en tant qu'adolescente. Je n'ai jamais ressenti une telle connexion. Et si un jour je rencontrerais ma première mère, que sentirais-je? Ma connexion avec Lucky vient du plus profond de moi, c'est peut-être une bonne préparation pour ce qui va arriver. Chanceuces ou pas, nous continuerons ce défi !

7. Immersion

Me voici avec mon premier rapport.
Important: Nous sommes bien arrivés !


Photo : Arrivée à Patna

Mais le voyage a été semé d'embûches.
Outre la tension que j'ai ressentie en me levant et les adieux déchirants à mes enfants (et avec mon chien), nous sommes arrivées à l'heure à l'aéroport de Zaventem. Peu de temps après, Iris nous a rejoint avec son mari. Nous vérifions tout et donnons à nos maris respectifs un autre gros câlin. J'entre fermement dans la zone de sécurité. Tout se passe bien et nous sommes à la porte bien trop tôt. Nous prenons un autre verre au Starbucks puis décidons d'attendre notre premier avion pour Francfort. Notre premier défi est de relativiser un retard de 1h30. Quel challenge! Quand nous arrivons à Francfort nous sprintons comme de vrais athlètes du Terminal A au B. Haletant nous arrivons au comptoir de l'avion pour Mumbai. Au début, nous pensions que nous allions rater le vol. Finalement, notre avion part pour Mumbai avec 2h30 (!) de retard. Nous regardons tout du bon côté et prenons les choses comme elles viennent. Nous arrivons à Mumbai à 3 heures du matin le 3 avril. Nous passons l'immigration avec une certaine appréhension vers 4h du matin (nous avons le prochain vol à 5h45). Nous attendons,en vain, nos valises à la livraison des bagages. Nous levons les yeux au ciel et nous nous adressons au personnel. Nous sommes dans l'obligation d'engager une procédure pour déclarer les bagages perdus. Cette procédure prend 45 minutes. Après cela, nous devons encore passer la sécurité, nous enregistrer auprès d'Air India et nous rendre à la porte. Mais avec un abandon total, nous avons de nouveau sprinté avec nos corps fatigués. Après une nuit sans sommeil, nous pouvons nous asseoir dans l'avion en sueur sur nos sièges depuis notre vol vers l'Inde. Je suis trop contente de mettre les pieds à Patna. Mes jambes tremblent, mes cheveux volent au vent et mon corps me dit : tu es au bon endroit...

Avec Iris à mes côtés, je sens soudain mes forces revenir. L'énergie de ma patrie me stimule. Je suis impatient de relever les défis qui se présenteront à moi au cours de ce séjour. Je suis prêt pour l'immersion totale.



Photo : Vue d'une belle terrasse à Patna

6. Mon rêve: réalité ou fiction?

Samedi, 26/3/2022

Dans 1 semaine, 7 jours, 173 heures, 10000 minutes et environ 600000 secondes, je remettrai les pieds en Inde.

Via Mumbai, Iris et moi, nous rendrons à Patna (dans le Bihar). Le dimanche 3 avril, dans la matinée, nous atterrirons dans l'état où se trouve mon premier orphelinat pour enfants où j’ai été.

L'excitation monte, tout comme l'envie de partir. Après le décès de ma meilleure amie, Anne-Michèle, il m'a fallu des semaines pour exprimer la plus grande tristesse. Je n'arrivais pas à structurer mes pensées, j'avais du mal à me souvenir des informations et il était extrêmement difficile d'organiser un emploi du temps. Heureusement, je pouvais compter sur des personnes fantastiques autour de moi, qui comprenaient mon profond chagrin, qui m'emmenaient manger au restaurant, et surtout: qui respectaient mon rythme. Perdre Anne-Michèle, c'est comme perdre une grande partie de moi-même. Même si je savais que sa maladie ne pouvait être guérie, le fait d'avoir tout donné pour elle pendant 18 mois m'a d'abord rassuré car je n'avais rien à me reprocher. Deuxièmement, l'effet sur mon corps et mon cœur ne devait pas être sous-estimé.

Mais aussi grâce à elle, j'ai maintenant un nouveau défi: ma recherche de la vérité, ma recherche de ma famille.

Depuis toute petite, je rêve de l'Inde, je rêve de rencontrer ma famille, ma mère indienne qui m'a portée pendant neuf mois et m'a donnée la vie. Pendant des années, j'ai vécu dans “une cloche”: dans le mode de vie européen, la culture belge qui ne correspond peut-être pas à 100% à mon vrai moi, mon moi qui a été partiellement caché dans le subconscient. J'étais la première personne de couleur de mon village, j'ai avalé de nombreuses remarques sur mon apparence. Mais je ne pouvais pas paraître faible: je n'ai donc pas réagi et me suis adaptée, toute ma vie. La An que vous avez appris à connaître n'est pas tout à fait la même que la An Sheela d'aujourd'hui. Le besoin de me connecter réellement avec l'Inde prend de plus en plus place. Même si je suis consciente que cette mission n'aboutira peut-être pas encore au résultat souhaité, je suis déterminée à aller le plus loin possible. Et avec Iris à mes côtés, je suis sûre que nous franchirons de nombreuses étapes importantes.

Iris et moi allons partir sans programme détaillé. Nous verrons sur place quelles informations nous obtiendrons et quelles mesures nous prendrons. Entre-temps, nous voulons prendre le temps de visiter Bodhgaya et Nalanda, entre autres. Nous essaierons de vous tenir informés de nos aventures par le biais de ce blog, même si nous ne sommes pas sûres d'avoir un accès facile à Internet.

Pour ceux qui me suivent et qui ont lu mon texte précédent sur mon rêve: j'ai vraiment fait ce rêve, ce n'était pas une simple histoire. Grâce à Saartje, qui m'a sérieusement guidée pour rendre la perte d'Anne-Michèle plus supportable, j'ai reçu quelques explications sur mon rêve. Mes yeux se sont écarquillés lorsque j'ai découvert toutes les explications qu'elle a données. Je vous laisse la liberté de vous faire votre propre idée de ce que j'ai vécu dans mon subconscient et de la signification que cela peut avoir :

  • L'avion: représente une recherche de liberté psychologique, l'ascension vers une nouvelle façon de penser.
  • Le retard dans le départ de l'avion: le temps n'est pas encore totalement mûr pour cette transformation psychologique.
  • Escaliers: font référence à un effort:
    • Vers le bas : retour dans le passé
    • Vers le haut : vouloir améliorer les choses
  • Le verre: c'est la frontière entre l'au-delà et la vie ordinaire.
  • Poissons: connexion avec l'émotionnel mais aussi avec le côté sage de vous-même, ils sont aussi un symbole de prospérité.
  • Flash de lumière: symbolise le développement de l'intuition ou de la perspicacité.

Que pensez-vous de cette analyse? Qu'est-ce que vous me souhaitez?

Après 40 ans, aller enfin vers ce dont je rêvais mais que je n'ai jamais osé dire, c'est une victoire en soi pour moi!

Remerciement:

J'ai écrit ce texte avec l'aide de Coline Fanon (traduction) et Saartje Verhoest (analyse de mon rêve).

Je tiens à remercier ma Mimi (Anne-Michèle) pour tous les textes précédents, elle m'a accompagné pour lancer tout ce qui concerne mon adoption, elle a passé des heures et des heures à m'écouter et à m'encourager. Elle a patiemment relu toutes mes traductions. Avant son décès, elle a contacté Coline pour prendre la relève. Je n'en savais rien. Jusqu'au jour où je lui ai demandé de vérifier mes traductions. Des larmes ont coulé sur mes joues lorsque j'ai entendu qu'elle s'acquitterait de cette tâche avec dévouement, car Mimi s'en était déjà chargée. Coline ne le ferait que si je le lui demandais. Le destin a-t-il aidé ici? En bref, Anne-Michèle est une amie qui a parcouru un long chemin avec moi. Et elle restera dans mon cœur pour toujours, reconnaissante pour tout ce qu'elle m'a apporté. Mon étoile scintillante, 4-ever.

5. Un rêve spécial

Ce texte est dédié à Anne-Michèle, ma meilleure amie. Elle a quitté la terre récemment après un long combat contre le cancer…

Ma chère Mimi, ma BFF,

Après une nuit agitée, je me suis réveillée ce matin, couverte de sueur.

Quel rêve étrange j'ai fait…

Ma collègue Laura m'avait emmenée à Rome, pour me changer les idées après ta mort, Mimi. Sa famille et la mienne sont montées dans l'avion. L'aéroport était un bâtiment avec plusieurs étages et avec des murs qui dépassaient. L’architecture me faisait penser au style d'Ensor. J'avais l'impression de voler dans le bâtiment, une sensation bizarre.

L'avion a été retardé. Pas très agréable quand on sait que le bébé de Laura n'avait que quelques mois. Mais nous sommes finalement arrivés en toute sécurité dans un immense parc de vacances. Nous nous sommes retrouvés dans un immeuble avec des escaliers en verre. Notre appartement était spacieux, mais il y avait aussi de nombreux escaliers entre les différents espaces de vie.

Je suis passée d'une pièce après l'autre et les enfants se sont installés. Puis nous avons décidé d'aller dehors. Nous sommes allés parmi les gens. J'ai ressenti la pression des personnes qui m'entouraient, mais je n'ai pas pu déterminer quelle pression exactement. Nous sommes allés manger quelque chose dans un restaurant, puis nous avions continué à explorer la région. La disposition du parc était très variée: une plage que l'on pouvait atteindre par des escaliers, mais où des niveaux intermédiaires permettaient aux touristes de se détendre autour d'un jacuzzi ou d'un sauna. Plus bas, les escaliers se séparent et nous pouvions choisir de marcher plus loin vers la plage ou de retourner à la route principale du parc.

J'avais perdu la notion du temps et nous allions prendre un verre. Nous avons même fait un pas sur la piste de danse. Puis tout le monde est allé dormir. J'ai souhaité une bonne nuit à Laura. Mais elle m'a quand même invitée à jeter un coup d'œil dans son appartement. C'est comme si un nouveau monde s'ouvrait à moi. A l'intérieur, il y avait un nombre énorme d'aquariums. Des modèles larges, longs, hauts, grands et petits ornaient l'appartement. J'étais en pleine admiration devant tant de beauté, car je sais que toi aussi, Mimi, tu aimais les poissons dans ta décoration. Mais toi, tu préférais des poissons décoratifs non-vivants, parce que tu étais d’avis que maintenir un aquarium demandait trop de travail. Je suis partie en me sentant légère et satisfaite, prête à passer une nuit paisible. Mais rien n'était plus éloigné de la vérité: je me tenais devant mon appartement, et j'ai rapidement jeté un coup d'œil à la porte de l'appartement de Laura. C'est comme si cette porte s'était soudainement ouverte et que son appartement était apparu à côté de mon escalier en verre. L'appartement s'est agrandi en hauteur, il y a eu des aquariums supplémentaires, tout était baigné d'une énorme lumière. C'était toi, Mimi? Est-ce que ton âme m'a illuminée à ce moment-là? J'ai profité du moment et j'ai tout absorbé: ta force, ta lumière, ta foi en moi. Le chant angélique s'est estompé, tout comme le flash de lumière. Maintenant, j'étais prête à aller dans ma chambre. J'ai ouvert la porte et je suis tombée sur une pièce remplie d'animaux. Il y avait une branche épaisse avec de nombreuses branches latérales. Sur chaque branche latérale dormait un bébé chaton. Qu'est-ce que c'est encore? J'ai à peine osé les toucher, car mes bras étaient guidés par toi, Mimi. Et comme tu détestais les chats, je ne pouvais pas me permettre d'en caresser un. J'ai laissé le gigantesque arbre d'intérieur pour ce qu'il était et j'ai finalement réussi à me glisser dans mon lit. Pourtant, je n'arrivais pas à dormir et je suis retourné à la cuisine pour boire un verre. L'arbre d'intérieur avait disparu mais maintenant mon appartement était rempli de chiens. Tous ces chiens couraient dans tous les sens. Ils n'ont pas fait de bruit, ils n'ont pas aboyé mais leurs yeux fixaient le néant. J'ai caressé certaines de leurs têtes et j'ai pensé que c'était tellement triste pour eux d'être enfermés dans un appartement. J'ai ouvert la porte et ils ont tous couru vers la liberté. Avec un sentiment de soulagement, je me suis replongée sous les draps et oui, je me suis endormie.

Le lendemain, après le petit-déjeuner, ma famille et la famille de Laura sont retournées au parc. Nous voulions aller dans la zone où vivent les animaux. En descendant, Laura avait accidentellement laché son landau. Le landau a dérapé sur la pente mais personne sur le chemin ne l'a attrapé. J'ai paniqué et j'ai couru après, mais mes jambes n'ont pas vraiment coopéré. Finalement, j'ai atteint le bas de la pente et j'ai vu une dame prendre un landau, sortir l'enfant et s'éloigner. Ma tête était comme court-circuitée: cette dame allait-elle voler l'enfant de ma collègue? Oh mon Dieu! Je ne pouvais pas laisser faire ça. J'ai couru vers la dame, mais elle avait disparu dans la zone des animaux. Haletant, j'ai réussi à la prendre par le col et à la retourner. La dame blonde m'a regardé, stupéfaite. Le bébé dans ses bras était le sien, mais la fille de couleur qu’elle avait à sa main m'a fait signe. Un sentiment étrange m'envahit. Est-ce que je rêvais, ou est-ce que mon corps me disait que quelque chose n'allait pas ici? Le signal de la fille a traversé tout mon corps: "Je ne veux pas être ici en ce moment-même, cette dame m'a emmenée contre mon gré...", rayonnait la fille. J'ai serré la main de la fille et nous avions immédiatement eu une connexion. J'ai estimé qu'elle avait environ 7 ans. J'ai gagné sa confiance et lui ai dit que j'étais adoptée et que j'avais le sentiment qu'elle l'était aussi. Mawanesha a confirmé mon sentiment. Elle a été adoptée d’Inde. D'où le lien avec ....

J'ai négocié avec la dame blonde et j'ai été autorisée à emmener Mawanesha à la cafétéria pour lui parler. Un peu plus loin, j'ai choisi une table avec la fille. Nous avions siroté nos verres et pendant un moment, deux secondes, j'ai fermé les yeux tandis que nous faisions tinter nos verres ensemble. Un tourbillon a soudainement tourné autour de nous et nous a souleveés. Quand j'ai réouvert les yeux, j'étais dans le restaurant de la veille. Mawanesha avait disparu et j'ai regardé autour de moi, inquiète. En face de moi, j'ai vu un couple qui pleurait. Je me suis approchée d'eux pour les réconforter et leur demander s'ils avaient rencontré Mawanesha par hasard. Ils ont commencé à sangloter encore plus fort, ainsi que leurs enfants. J'ai posé d'autres questions et la dame aux cheveux courts s'est confiée à moi: notre enfant adopté a disparu et nous avons lancé un appel. Mais beaucoup de gens ne voulaient pas nous aider, ils nous reprochaient de croire en l'adoption et de vouloir prendre soin d'un enfant d'un autre pays. Ils nous ont même grondés.

Mon corps a vacillé, car mon histoire d'adoption n'est pas facile non plus, et tu le sais, Mimi. J'ai rassuré le couple et les enfants et leur ai promis de participer aux recherches. Ma recherche de Mawanesha s'est poursuivie pendant plusieurs heures. Finalement, je l'ai retrouvée dans l'espace réservé aux animaux, tapie en boule dans un coin?. Je l'ai prise dans mes bras et nous nous sommes serrées l'une contre l'autre jusqu'au crépuscule. Elle m'a dit qu'elle avait sept ans. Qu'elle avait des parents adoptifs qui voulaient bien s'occuper d'elle, mais avec lesquels elle n'avait pas de lien complet. Que la dame blonde était une de ses tantes et qu'elle se languissait tant de sa mère en Inde. J'ai pleuré avec elle, un profond chagrin est remonté à la surface, et nos larmes de manque se sont mêlées en gouttes épaisses. La rivière qui s'est formée a coulé jusqu'en Inde et s'est unie au Gange. Nous étions en train de flotter dans un bateau sur cette rivière sacrée. Le bateau est resté coincé dans l'un des méandres et nous avons mis pied à terre. Main dans la main, nous avions marché jusqu'à un petit village plus loin. Nous avions très soif et très faim. Les huttes étaient construites autour d'une place centrale. Nous avons traversé la terre battue et avons été automatiquement (par une force spéciale?) conduites à l'une de ces huttes. Une vieille dame avec de beaux cheveux longs et gris et des mèches noires est venue vers nous. Nous avons volé dans les bras de cette dame gracieuse. Je l'ai sentie, je l'ai sentie, je devenais une avec cette femme. Mawanesha faisait également partie de ce câlin, car elle était mon enfant interne que j'ai enfin pu lâcher.

Ma très chère maman en Inde, je t'aime. Ma très chère meilleure amie, Mimi, je t'aime. Ces deux amours, et l'amour de mon mari, me font prendre conscience que différentes formes d'amour m'apportent l'équilibre. L'amour reste, toujours.

PS: Ma collègue Laura avait retrouvé son bébé et son landau, sains et saufs.

3. Qui cherche trouve ?

Parfois, je me demande ce que j'ai commencé... mais maintenant que je suis occupée, je ne peux pas lâcher prise.

Après ma dernière mise à jour, mes montagnes russes sont toujours en mouvement, et comment ! C'est comme si la vitesse augmentait, que mes cheveux étaient projetés en arrière et que les muscles de mon visage partaient dans tous les sens à cause des émotions, des doutes et des sentiments imprévus qui me parviennent.

Je vérifie ou revérifie chaque détail, chaque élément, chaque information.

J'ai été adoptée en 1981 par les Semeurs de Joie. Ce service d'adoption a dû cesser ses activités en 2012 car il n'atteignait pas le nombre minimum de 30 enfants adoptés par an. Les archives ont été reprises par Ray of Hope.

J'avais demandé un entretien avec Ray of Hope au début du mois de janvier. L'accueil a été chaleureux et cela a fait que certaines de mes tensions se sont rapidement dissipées. L'entretien a été assez long et c'était bien qu'ils aient pris du temps pour moi, même si je trouve cela logique.

Il est important de savoir qu'un dossier d'adoption se compose de 2 parties : un dossier enfant et un dossier parent. En tant qu'adulte, vous auriez droit aux informations des deux parties.

Pourtant, des questions continuent de tourner dans ma tête : qui ou quoi puis-je vraiment croire lorsque seuls quelques papiers sont légalement valables ? Pourquoi ces papiers ressemblent-ils à des copies parfaites de camarades adoptés, dont seuls le numéro de dossier, le nom et éventuellement le sexe différent?

Pour le comprendre, il faut replacer cette information dans son contexte : l'adoption internationale a été créée le 22 mars 1940. A l'époque, cela correspondait parfaitement à l'image de sauver un enfant d'un pays pauvre. Pendant des années, j'ai suivi cette idée parce que mon entourage en était persuadé. Dans les années 1980, les adoptions en provenance de pays dits du tiers monde étaient très populaires.

Je suis convaincue que chaque enfant a le droit de connaître ses racines ou ses origines. La Convention de La Haye le confirme et la Convention relative aux droits de l'enfant ne peut l'ignorer: "Tout enfant a le droit de savoir qui sont ses parents". Et c'est bien de cela qu'il s'agit: les parents adoptifs sont des parents, bien sûr, mais aussi les parents biologiques. Je ne peux minimiser le fait que ma mère biologique m'a portée pendant 9 mois, avec amour ou non : elle l'a fait. À mes yeux, j'ai 4 parents, ils comptent tous. Chaque enfant a également le droit d'avoir un nom. Mais comment puis-je faire valoir ce droit si mon nom a été "trafiqué" dans le passé? Je ne peux plus me connecter à 100 % avec An, et je ne suis pas non plus 100 % Sheela, car je n'en ai pas la preuve officielle. J'ai l'impression d'être An Sheela en ce moment. Et cela a suffisamment de valeur pour moi. Même pour mon nom, je pense que cela vaut la peine de se rendre en Inde pour le vérifier dans mon premier orphelinat. Cela vaut la peine... Mais pourquoi un adopté doit-il se donner tant de mal et d'énergie pour ne serait-ce que reconnaître son nom? Pourquoi la vérité ne pourrait-elle pas simplement être révélée? En tant qu'adulte adopté, je trouve assez contradictoire de devoir prendre ces mesures pour comprendre et accepter mon passé.

Les émotions que je ressens sont donc aussi celles d'une grande frustration : Pourquoi suis-je sortie d'une période d'adoption au cours de laquelle tous les liens avec le passé ont été coupés ? L'adoption fermée rend maintenant encore plus difficile pour moi la recherche d'informations. Pourquoi les autorités actuelles ne se sentent-elles pas appelées à faire quelque chose à ce sujet ? À mon avis, la prescription devrait être levée, car j'ai été adoptée pour le reste de ma vie...

C'est aussi la raison pour laquelle j'étais récemment à la Chambre des représentants pour écouter la présentation du député Michel De Maegd (MR), il nous soutient par sa résolution " Adoptions illégales " et souligne nos besoins : que les adoptés aient droit à un suivi, entre autres, et aussi : s'il y a des erreurs dans le dossier (ce qui n'est toujours pas clair dans mon cas), alors il doit y avoir un statut de victime.

Pendant ce temps, mon corps libère beaucoup de sentiments. Mon corps aspire à la chaleur de ma famille biologique, à la reconnaissance que je recherche secrètement depuis des années : pourquoi ai-je tant d'amour pour mon pays de naissance ? Pourquoi l'odeur des épices indiennes me met l'eau à la bouche ? Pourquoi mon corps passe en mode peur à toute forme de perte ou d'insécurité ? Je ne peux pas supporter le vide, l'absence de vide, pour le moment, sans chercher de réponses. Et même si je sais que je ne trouverai peut-être jamais les réponses, je ne peux pas me reprocher de ne pas essayer.

Je me suis glissée dans la peau de Sherlock Holmes, et je n'ai pas l'intention d'en sortir. 

Mon amie néerlandaise Leena m'a envoyé ce mot d'encouragement, c'est la résilience dans tout ce processus qui est sérieusement mise à l'épreuve :

Leena en An Sheela

Dans ce blog, je peux faire référence à: het Afstammingscentrum, a-buddy et Ray of Hope.

Chatplatform voor geadopteerden door geadopteerden

2. Rollercoaster

Me voilà derrière mon écran. Mes épaules sont tendues, mon estomac se crispe, mon cerveau tourne à plein régime. J'ai froid mais un pull supplémentaire n'aide pas à réchauffer mon corps.

Deux semaines se sont écoulées depuis le lancement de mon blog. Les réactions sont de toutes sortes. Je m'accroche à mes (déjà) 33 followers. Toutes des personnes qui sont (sincèrement) intéressées par mon histoire, par mon aventure et ma quête. Je tiens à remercier tout le monde pour cela.

Outre les adeptes, il y a aussi des gens qui me déconseillent de faire cette quête et qui me déconseillent creuser dans mon passé. Mais je les laisse dans leur conviction. Pourtant, ça me touche. Avec ce blog, je ne veux offenser personne mais je veux partager honnêtement ce qui se passe dans mon esprit maintenant que je me suis lancée dans la recherche de mes origines.

Au cours des deux dernières semaines, j'ai eu une conversation avec l’Afstammingscentrum, j'ai rencontré la famille qui m'a amenée d'Inde en Belgique, j'ai reçu des témoignages de camarades adoptés et j'ai même fait l'expérience de la main tendue de personnes qui veulent vraiment m'aider. En outre, j'ai enregistré un podcast avec Renate (voir le blog www.tussen-india-en-korea.be) sur nos sentiments en tant qu'adultes adoptées. Il y a eu plusieurs réactions enthousiastes à ce sujet également. Qu'est-ce que tout cela me fait?

L’afstammingscentrum m'a aidée dans mon dossier: on a vérifié la valeur des papiers et répondu à mes questions. Je me sens soutenue par eux en ce moment. L’afstammingscentrum a été mis en place l'année dernière. Ils s'engagent à aider les personnes qui se posent des questions sur leurs origines. Ces personnes peuvent être des adoptés, mais aussi des personnes qui veulent trouver des parents ou des members de famille par le biais de l'ADN. Ce centre est actuellement situé à Gand et est subventionné par le gouvernement flamand.

Pendant une journée d'étude du dossier d'adoption avec mon amie Iris, qui m'accompagnera en Inde, nous avons rassemblé de nombreuses informations de contact dans Excell. Nous avions déjà créé plusieurs onglets (liste de tâches, correspondances ADN, contacts, adresses utiles, ...). Ce document est une bonne base pour nous et nous continuons à ajouter de nouveaux détails aux onglets. Au cours de ce travail titanesque, je suis tombée sur une adresse laissée par mes parents. Curieuse, je suis allée chercher l'endroit sur Google Maps. J'étais stupéfaite! L'adresse est dans une zone francophone. Coïncidence ou pas? Après tout, j'ai commencé ma vie en Belgique, en Flandre, pour déménager en Wallonie à l'âge de 23 ans. Après un travail de détective, nous trouvons un numéro de téléphone. Avec plein d'excitation, je prends le téléphone. Mon cœur bat à tout rompre et je regarde Iris qui me fait un signe de tête encourageant. Je maîtrise mes nerfs et explique le but de mon appel. La conversation dure beaucoup plus longtemps que ce que j'avais osé espérer. Quelques jours plus tard, je me suis retrouvée devant la maison de cette famille. Avec mes genoux qui tremblaient, j'ai sonné à la porte. Le premier contact s'est bien déroulé et il y aura certainement une deuxième rencontre dans un avenir proche.

Le nombre d'adoptés et le nombre de personnes qui m'entourent et me soutiennent dans mes démarches, démarches que j'aurais crues impossibles il y a un an, me font chaud au cœur. Je me sens soutenue et je suis déterminée à mettre ma vérité en lumière. Pas à n'importe quel prix, mais en relation avec moi-même, ce qui est un défi totalement nouveau pour moi, mais jusqu'à présent, cela en vaut la peine. Je dors peu, parfois le matin j'ai l'impression d'avoir "travaillé" toute la nuit. Cette quête me prend de l’énergie. Mais au fond de moi, je sens que mes démarches sont nécessaires, elles sont nécessaires pour moi, mais aussi pour ceux qui m'entourent, qui peut-être de cette façon commencent à comprendre que l'histoire de l'adoption " qui sauve l'enfant " a ses défauts.

An Sheela & Iris

Ce blog est soutenu par l'Afstammingscentrum et a-buddy.

34. Ambassade de Belgique – 28/2/2024

Ce matin, je me suis réveillé tôt. La visite à l'ambassade de Belgique est prévue à 11 heures. Je me prépare tranquillement, je prends mon petit-déjeuner, je vérifie si j'ai tous les documents nécessaires et j'appelle ensuite la réception pour réserver un taxi.

10 heures précises, je suis en bas. Je demande mon taxi mais il n'est apparemment pas encore arrivé. Le réceptionniste de l'hôtel contacte un taxi et 10 minutes plus tard, je peux partir. En chemin, je bavarde brièvement avec le chauffeur. 

À l'ambassade, je suis immédiatement conduit à l'intérieur. Le personnel est particulièrement sympathique et j'attends dans le siège d'où j'ai une vue sur les portraits du Roi Philippe et de la Reine Mathilde. 

À 11 heures, je suis conduit dans le bureau de l'ambassadeur. Le consul est également présent. Je m'étais entretenu avec lui auparavant en ligne pour expliquer la raison de ma visite.

L'entretien se déroule bien. J'explique les étapes de ma recherche et montre quelques photos pour illustrer mes propos. J'explique également la théorie des 3 A : distance – adoption – autonomie* (note de bas de page à la fin de cet article). En tant qu'adopté, tu peux te sentir pleinement à l'aise dans ta peau si tu peux accepter l'histoire de ton abandon et de ton adoption. Pour moi, ces 3 mots sont un énorme soutien. Je leur dis aussi que je suis déjà passé par CARA (Central Adoption Authorities) pour faire enregistrer officiellement ma recherche. J'ajoute qu'un nouveau rendez-vous avant mon départ pour Kolkata ne ferait pas de mal, juste pour montrer que je ne lâche pas ma recherche et aussi parce que je veux souligner l'impact de l'adoption. Nous avons également abordé des thèmes tels que le déracinement, la crise d'identité qui survient souvent à un âge plus avancé, la difficulté de se connecter à une culture que l'on ne connaît pas, la perte de la langue maternelle, le contact avec d'autres personnes qui ont vécu la même chose, etc. J'ai le sentiment que l'ambassade a compris mon message. Ils ne peuvent malheureusement pas accompagner les recherches individuellement, ce n'est pas leur rôle. Mais je suis soulagé qu'ils aient voulu écouter mon histoire, afin que les recherches en Inde soient mieux comprises à l'avenir. C'est peut-être une goutte d'eau dans l'océan, mais chaque petit pas est important pour moi. Je continue à grandir en tant que personne et je vis ce défi comme une mini-victoire. Je me rapproche de plus en plus de moi-même et j'espère qu'un jour j'arriverai à un point où je me sentirai suffisamment complet pour accepter tout cela.

Avant de quitter le bâtiment, j'offre un cadeau à l'ambassadeur. Le livre "Beyond Transnational Adoption" restera l'ouvrage de référence vers lequel on pourra toujours se référer à l'avenir. Il s'agit de garder le doigt sur le pouls. Le consul m'accompagne jusqu'à la sortie et promet que nous resterons en contact. Je suis soulagé et je me souviens d'une bonne conversation.

Je sors et je fais arrêter un auto-rickshaw. En montant, je me tords la cheville. Est-ce un message de l'univers me disant que je dois encore ralentir mon rythme ? À l'hôtel, je demande de la glace. Je vais être cloué au lit pendant quelques heures en espérant que l'enflure diminue. Tout est une question de temps : mon entorse, mais aussi ma recherche, et même si je préférerais un résultat immédiat, il est nécessaire d'intégrer chaque étape pour parvenir à une conscience plus profonde. C'est ainsi que je le vis et comme je l'ai déjà dit à une amie : j'avance peut-être lentement, mais je suis fier de la personne que je suis devenue entre-temps. Je suis fière de pouvoir me dire Bihari, je suis une reine indienne. 

Cette œuvre d'art était accrochée au mur de l'ambassade : mon vrai visage était également caché, pendant des années, mais maintenant je ne peux qu'être fière de ce que je suis devenue et de ce que je deviendrai encore. La croissance personnelle donne de la force. Je tiens à cette force.ast.

Je remercie déjà toutes les personnes qui me soutiennent pleinement, qui ont contribué à faire de moi la personne que je suis aujourd'hui. 

*Distance – adoption – autonomie : cette théorie a été élaborée par Hilbrand Westra, adopté de Corée du Sud, Sr Coach en adoption et spécialiste de la conscience systémique (https://alfa-omnia.com/hilbrand-westra/)

33. New Delhi – 27/02/2024

L'hôtel est un 3 étoiles, simple mais correct. Je dors dans un lit double et je replie la couverture en deux sur moi car les nuits sont assez fraîches. Hier soir, j'ai eu du mal à m'endormir à cause des hurlements de quelques chiens errants.

Le personnel de l'hôtel est sympathique. Je les dérange régulièrement pour commander le petit-déjeuner ou pour demander du papier toilette (les rouleaux de papier toilette sont assez petits ici). Il n'y a pas de restaurant rattaché à cet hôtel, mais ils proposent une livraison de nourriture et de boissons 24h/24 et 7j/7. C'est une autre façon de faire que ce à quoi je suis habituée, mais je m'adapte. 

Ce matin, je suis réveillée par le roucoulement des pigeons et le chant d'une espèce d'oiseau que je ne connais pas. Je vais à la salle de bain et j'ai de l'eau chaude pour une fois : alléluia ! Je décide de me laver les cheveux au-dessus de la grande bassine. La douche ne donne que de l'eau froide, donc je la laisse tomber. 

Je commande une omelette avec du pain et un thermos masala chai (thé). Cela soulage un peu ma gorge sèche. Aujourd'hui, je vais chercher des pastilles supplémentaires pour la gorge et du sérum physiologique pour me déboucher le nez. 

Je sens que mon corps a besoin de repos, je décide de remplir mon journal et je reste à l'intérieur ce matin. Les maux de ventre qui surviennent m'empêchent de partir tout de suite.

Je me repose bien et décide vers 14h de quitter l'hôtel pour relever un nouveau défi pour moi : prendre le métro. Et c'était bel et bien une aventure. En entrant, mon sac a été scanné, puis je me suis perdue dans les correspondances de métro, beaucoup de choses étaient indiquées en hindi. La dame de la sécurité m'a expliqué qu'il existe une application pour trouver plus facilement les stations de métro. Je l'ai tout de suite installée sur mon téléphone, quel soulagement ! Mais il a fallu continuer à chercher les lignes de métro correspondantes. A la station de métro New Delhi, j'ai dû acheter un nouveau ticket, ce que je n'ai réalisé que lorsque je n'ai pas pu passer le portique avec le ticket actuel. Finalement, je suis sortie vers 15h à la station Kalaji Mandir, où se trouve le magnifique temple du Lotus, un joyau au cœur de la ville animée. Je me laisse porter par la foule et je suis impressionnée par l'eau qui entoure le temple du Lotus. A l'intérieur aussi, le temple respire la paix. 

En sortant, je m'assois sur un banc. Des touristes germanophones m'abordent et me demandent pourquoi je suis en Inde. Nous discutons un peu puis nos chemins se séparent. Je retourne ensuite à la station de métro. J'arrive en métro super rapide à Aerocity, c'est la ligne de métro la plus moderne de la ville. 

Avant de retourner à mon hôtel, je m'arrête à une pharmacie : j'achète un spray nasal, des pastilles pour la gorge et une grande boîte de mouchoirs. J'espère qu'avec cet arsenal, je pourrai vaincre les microbes.

32. New Delhi – 26/02/2024.

CARA

Il est difficile pour moi de me déplacer seule lors d'une journée aussi excitante qu'aujourd'hui. Mon cœur bat à tout rompre. Aujourd'hui, je veux que CARA (Central Adoption Resource Authority) prenne enfin en charge mon dossier et soutienne activement ma recherche en Inde. Je n'ai pas pu obtenir de rendez-vous officiel, bien que j'en aie informé l'ambassade de Belgique au préalable. Je n'attends pas l'e-mail de confirmation et je me rends aux autorités centrales d'adoption de l'Inde.

J'arrive en autoriksja et en chemin, nous demandons à plusieurs policiers où se trouvent exactement les bureaux de CARA. Derrière un bâtiment de l'armée, le panneau de CARA se dresse.

Je paie le chauffeur de riksja et me dirige vers les escaliers. Au premier étage, j'arrive à un premier bureau, un employé du secrétariat passe un appel téléphonique après que je lui ai expliqué pourquoi je suis là. Un autre Indien vient me chercher et me conduit à un bureau plus loin dans le bâtiment. En chemin, nous passons devant une cour intérieure où plusieurs écureuils se balancent dans les arbres. Le reste de l'environnement me passe devant les yeux car je ne veux qu'une chose maintenant : attirer l'attention sur ma recherche au niveau gouvernemental.

On me fait asseoir dans un fauteuil et j'observe attentivement les environs. Sur le mur, il y a un cadre avec le mot "Famille" découpé dans du bois au centre. Dans le cadre, je trouve des photos d'enfants blancs et noirs, vraisemblablement de familles blanches qui ont adopté des enfants indiens. À gauche de ce cadre, il y a un panneau avec les mots CARA, sécurité, famille et espoir. Sur une table à côté de moi se trouve une grande sculpture en verre avec 2 cygnes et 1 petit, comme si cette œuvre d'art aux accents chinois devait éveiller le sentiment familial. De fausses fleurs blanches agrémentent l'ensemble. À gauche de moi, il y a encore un salon et à côté, je vois la porte du "section officer" suivie d'une porte avec l'inscription du directeur. Juste devant moi, j'ai vue sur un bureau, ici se trouve le gardien de sécurité, il me surveille attentivement. Une caméra est suspendue au-dessus du cadre de la porte, je vais donc devoir me tenir tranquille et ne pas faire de scène car tout est surveillé. 

Une première fonctionnaire vient s'asseoir à côté de moi. Elle me demande gentiment mon numéro de dossier. Je la regarde sans comprendre : je n'ai pas de numéro de dossier, personne ne m'en a jamais parlé, même pas Ray of Hope, le service d'adoption belge qui m'a amené en Belgique - avec ce service, j'ai l'impression de devoir faire le travail de réflexion moi-même car tout est si lointain que je ferais mieux d'abandonner la recherche.

Il me faut une minute avant de réaliser que je n'ai pas la bonne personne devant moi. Elle s'occupe clairement des dossiers d'adoption d'enfants. Je la remercie gentiment pour son offre et lui demande à qui je peux parler pour répondre à mes questions. Elle se lève et va chercher une nouvelle collaboratrice. Je lui raconte mon histoire et lui donne une lettre officielle avec mes coordonnées. J'exige un tampon de réception, même si elle affirme que ce n'est pas nécessaire, je campe sur mes positions. Mais elle aussi ne lâche pas prise : je dois envoyer un e-mail avec encore une fois toutes les données énumérées. Elle inscrirait alors mon dossier dans les prochains jours et soutiendrait officiellement ma recherche. Je suis curieuse de savoir ce que cela signifie exactement. Étonnamment, je reste calme, je peux parler à la dame avec respect. Elle disparaît avec ma lettre, revient avec le document tamponné et je prends une photo en guise de preuve qu'ils l'ont reçue. Cela me permet de savoir qu'ils sont obligés de ne plus laisser traîner mon dossier. J'ai déjà envoyé des e-mails par le passé, mais je n'en ai jamais reçu de confirmation. Je reste assise une heure sans suivi avec l'idée que la collaboratrice s'occupe entre-temps de l'enregistrement. Elle passe par hasard et me demande si elle peut encore faire quelque chose. Je prends mon courage à deux mains et lui dis que je veux encore parler au directeur avec en tête : qui ne tente rien n'a rien. Elle rechigne, mais je ne me dégonfle pas. Je reste aimable mais ferme. Elle vérifie le bureau et me dit qu'il est parti. Je lui dis gentiment que ce n'est pas grave, et que je vais attendre. L'heure que j'ai perdue entre-temps ne compte pas si je peux quand même expliquer mon cas au directeur. Après sa pause de fin d'après-midi, le directeur arrive et je peux entrer quelques minutes. Je lui explique brièvement pourquoi je suis en Inde et que j'aimerais parler de l'impact de l'adoption. Il me dit qu'il n'a pas le temps pour cela et que je dois faire une demande officielle pour en parler. Il veut dire par là qu'une personne d'une institution officielle belge doit annoncer ma visite, en précisant ce que je viens faire et pourquoi. La bureaucratie en Inde est plus importante que le but ultime, à savoir la sensibilisation de la société à l'adoption. Je sens que c'est inutile d'insister et je remercie le directeur pour son temps. 

Je passe devant le garde de sécurité, salue les écureuils dans la cour et j'atteins la sortie. Je prends une grande inspiration et j'expire. Ma gorge est sèche, mais je ressens quand même un soulagement. Je n'ai pas pleuré, je n'ai pas crié. Je suis restée raisonnable et j'ai pu dire ce dont j'avais besoin, ce que je n'avais pas pu faire lors des précédents voyages. Je grandis, je gagne en confiance en moi et j'essaie d'avancer à mon rythme et à mon niveau. Je me félicite et je décide d'aller faire un tour avec Tine à Laxmi Nagar. Une conclusion bienvenue à une journée utile et enrichissante.

Ondertussen loop ik een flinke verkoudheid op, de onzuivere lucht van New Delhi heeft me in haar greep…

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