35. Lâcher prise, partir et arriver

Mercredi, le 21 août 2024, 10h20

Très chère fille,

C'est avec les larmes aux yeux que j'écris ce texte, émue par tant d'amour, de connexion mais aussi en partie intoxiquée par la douleur, la douleur du lâcher prise.

Jamais je n'aurais imaginé en 2008 que toi, ma chère fille timide, tu déploierais tes ailes à 16 ans. Depuis 2023, tu prépares ton projet, car c'est toi qui as choisi de partir à l'étranger. Le projet Expédis est soutenu dans ton école secondaire: les élèves de 5ème année ont la possibilité d'effectuer une période de l'année scolaire à l'étranger. La communauté wallonne impose certaines règles que vous devez respecter. Pourtant, tu as suivi méticuleusement cette administration avec ton père. J'étais surtout là pour le soutien affectif et matériel. Lorsque les choses étaient un peu difficiles, c'est souvent moi qui prenais le relais et je m'acquittais de cette tâche avec beaucoup de dévouement.

Le jour où tu m'as dit que tu avais envie de participer à ce projet d'échange, j'ai été fière, troublée mais aussi sincèrement heureuse pour toi. Ce choix n'est pas évident, et ta persévérance l'a rendu possible. J'ai été ravie de te voir grandir, même au stade de la préparation.

Le temps est passé très vite. Le week-end dernier, je souffrais déjà de stress, en fait cela a commencé il y a une semaine. Mon corps ne fonctionnait pas à plein régime comme d'habitude. Pendant les promenades avec le chien, j'ai laissé couler mes larmes. J'ai également eu beaucoup de mal hier, mais je t'ai toujours soutenue à fond et j'ai continué à t'encourager à aller de l'avant.

Ce matin, mon corps était un peu dans tous ses états : plusieurs passages aux toilettes, sommeil très léger, douleurs abdominales lancinantes et goût nauséabond dans la bouche en rentrant à la maison. Autant de signes que mon corps doit s'habituer à la nouvelle situation : passer 3 mois sans toi à mes côtés. C'est un défi pour tout le monde mais surtout pour moi en tant que maman. J'ai vécu ce lâcher-prise (ton départ) comme une sorte de second accouchement: les douleurs abdominales étaient les contractions, la coupure du cordon ombilical était mon corps qui te laissait partir et l'après-accouchement était vécu par mon corps comme ce goût bizarre dans ma bouche. Une fois de plus, je me suis rendue compte que quitter quelqu'un (temporairement) n'est pas une mince affaire. Qu'est-ce que cela t’a fait, toutes ces fois où je suis partie dans mon pays d'origine pour connaître mes racines ? Comment ton corps a-t-il réagi à cette séparation? Et pourtant, je reste convaincue qu'apprendre à lâcher prise, à partir et à arriver quelque part fait tout simplement partie de la vie. Cela fait partie de l'ouverture sur le monde et de la recherche de soi. Pour ma part, je n'ai pu ressentir et nommer concrètement ces étapes que depuis que je suis à la recherche de ma famille en Inde. Et toi, c'est ce que tu fais à 16 ans ! Je pense que c'est vraiment chapeau d'oser le faire, et de le faire efficacement. 

J'espère surtout que tu vas passer des moments inoubliables, que tu apprendras beaucoup de choses, y compris sur toi-même, et que tu vas acquérir davantage d’indépendance et d’autonomie. Car, comme je te l'ai déjà écrit, « La vie commence à la fin de ta zone de confort » - Neale Donald Walsch et, bien sûr, « Ce que l'on apprend avec plaisir, on ne l'oublie jamais » - Alfred Mercier.

De la part de ta chère et unique maman qui sera toujours là pour toi,

An Sheela