31. En route – 25/02/2024

Vendredi 23 février, juste avant de partir au travail, j'apprends de mon amie du sud qu'elle ne pourra pas venir à New Delhi en raison d'un décès dans la famille. Je comprends sa décision, mais mon corps passe en mode stress. Comment puis-je partir sans avoir réservé de place pour dormir ? L'hôtel qu'elle avait repéré n'était accessible qu'aux citoyens indiens et comme l'Inde n'accepte pas la double nationalité, je ne pouvais donc pas y séjourner seule.

Je pars au travail avec beaucoup d'inquiétude. Je sens que l'enseignement me distrait un peu, mais quand je rentre à la maison à midi, je commence à chercher une place pour dormir comme un poulet sans tête. Entre-temps, j'ai contacté plusieurs Indiens, mais aucun ne me donne une idée concrète de la sécurité du quartier et de la qualité de l'hôtel/guesthouse. Je réserve donc une chambre d'hôtes, à l'aveuglette. Cela me donne une certaine tranquillité d'esprit.

Je tiens à aller manger quelque chose avec ma famille avant de partir. Nous profitons tous de ce moment. Je mange encore un plat typiquement belge car pendant les 2 prochaines semaines, je vais savourer ma cuisine indienne préférée.

Samedi matin, je me lève tôt, je prends une bonne douche chaude et je suis prête juste à temps. Nous arrivons une heure trop tôt à l'aéroport de Zaventem. A ce moment-là, une connaissance indienne m'appelle. Ma chambre d'hôtes se trouve dans un quartier peu sûr et il m'a trouvé un meilleur hôtel. Ouf !!! Je le remercie mille fois. L'enregistrement, le contrôle de sécurité et l'embarquement se déroulent sans problème jusqu'à présent. J'espère qu'il n'y aura pas de problèmes de bagages cette fois-ci, comme lors des deux voyages précédents.

Au moment où je m'installe effectivement dans l'avion en direction d'Helsinki, mes larmes montent. Mon corps est comme d'habitude ballotté d'un côté à l'autre : le besoin de partir et de me ressourcer est grand, mais la douleur de laisser mes chers trésors derrière moi est tout aussi grande. Mon estomac se serre, mais je me ressaisis et regarde par la fenêtre. Là, je vois quelques faibles rayons de soleil tomber sur la tour de contrôle de l'aéroport. Une belle image qui réchauffe mon cœur.

Rayons de soleil illuminant légèrement la tour de contrôle

En route, j'écris dans mon journal et pendant le vol vers l'Inde, je suis traitée comme une vraie Indienne. Je ne reçois même pas de formulaire d'immigration car il est réservé aux Européens (blancs). Nous atterrissons à New Delhi avec une demi-heure de retard, à 6h30 heure locale. Mon corps est fatigué mais il reçoit un coup de pouce dès que je pose le pied sur le sol. Je connais ce processus, il ressemble à une décharge électrique qui me recharge complètement. Je continue courageusement et je prends le chemin sans le tapis roulant. Au service d'immigration, il y a eu un investissement sérieux selon les normes indiennes. Il y a des tables avec des formulaires d'immigration et des stylos. Je suis surprise de voir cela si bien présenté. Avant, il fallait aller chercher les feuilles. Mais l'euphorie s'estompe partiellement quand je découvre que les stylos ne fonctionnent pas. Je prends mon propre stylo et je remplis le formulaire. Le temps d'attente au bureau d'immigration est de 0 seconde pour une fois, je n'ai jamais vu ça. Avant même de m'en rendre compte, je suis prête à organiser mon taxi prépayé. Un moyen pratique de quitter l'aéroport.

Atterrissage au lever du soleil

Plus loin, le chauffeur m'attend mais c'est encore une fois un peu stressant, car l'adresse est apparemment introuvable. Après de nombreux appels téléphoniques entre ma connaissance, l'hôtelier et le chauffeur, je descends finalement au Fabhotel. Cette chaîne d'hôtels trois étoiles propose des nuitées abordables. En termes d'hygiène et d'équipement, c'est tout à fait correct ici.

Je fais une petite sieste et je sors en après-midi : recharger mon numéro de téléphone indien, manger seule pour la première fois et prendre un tuk-tuk pour le centre de New Delhi. Tout cela demande un peu d'aide aux gens gentils qui m'entourent, mais cela a conduit à une belle journée où je réalise finalement que je suis capable de plus que je ne le pensais. Dans mon pays d'origine, je me sentais souvent comme une petite fille, maintenant mon enfant intérieur grandit enfin et je peux me permettre de me mettre dans ma propre peau (d'adulte).

Je termine la journée par un moment délicieux en compagnie de Tine, une autre adoptée, et nous discutons de nos nombreuses aventures dans le sous-continent indien. Je me sens la bienvenue, je me sens entourée, j'ose m'informer, j'ose passer à l'action. Bref, l'Inde est un peu plus à mes pieds. Je suis (bien) en route.

Connaught Place, le cœur commercial de New Delhi

30. Adoption Awareness Month – November 2023

Le mois de novembre est le mois de l'adoption. Mais d'où vient exactement cette idée?

À l'instar de diverses influences venues d'outre-mer, le Mois de la sensibilisation à l'adoption est une idée qui a vu le jour en Amérique. Au départ, l'idée a été lancée pour promouvoir l'adoption. En 1976, le gouverneur (du Massachussets) Michael Dukakis a annoncé la toute première semaine de l'adoption. Le président Ronald Reagon a soutenu la semaine de l'adoption pour la première fois en 1984. Le président Clinton l'a rebaptisée "Mois de l'adoption" en 1995. L'adoption peut être belle, mais les faits ou observations suivants peuvent également être pris en considération.

  • 50000 enfants sont adoptés en Amérique chaque année depuis 2014https://www.daysoftheyear.com/days/adoption-month/)
  • Même le site web de la Maison Blanche met en avant le Mois de la sensibilisation à l'adoption. Le président Joseph R. Biden Jr proclame officiellement le mois de novembre "Mois national de l'adoption".

Qu'apporte ce mois de sensibilisation à l'adoption en Belgique ?

En 2022, Opgroeien (ONE en Flandre) a organisé de nombreuses réunions pour examiner comment accroître la sensibilité à l'adoption. Il a alors été question d'activer le Mois de la sensibilisation à l'adoption en Belgique, qui ne serait pas une promotion de l'adoption mais plutôt un exercice de sensibilisation où l'attention serait également attirée sur le côté sombre de l'adoption. Les organisations d'adoption telles que Steunpunt Adoptie, Opgroeien, les services d'adoption et les groupes d'intérêt en matière d'adoption pourraient unir leurs forces. Jusqu'à présent, il ne s'agit que de mots écrits dans un rapport. Peu d'actions ont été coordonnées jusqu'à présent. Une goutte d'eau dans l'océan ?

Comment est-ce que je m'en sors et qu'est-ce que mon histoire d'adoption m'a apporté cette année ?

Cette année, je suis allée en Inde avec toute ma famille. Certains moments forts et inoubliables ont affiné mon identité et restent gravés dans ma mémoire. Je me souviens du moment où j'étais près de l'arbre à racines (Banian Tree) à Auroville, avec mes enfants. Cela m'a énormément réchauffé le cœur. Un sentiment particulier de connexion s'est emparé de moi. La vue sur l'océan Indien au lever du soleil était également magique. Pouvoir se tenir là avec mon mari ET mes enfants était vraiment romantique. Cela m'a donné un sentiment de reconnaissance, mais surtout de connexion.

Je me souviens également de ma fille en sari, une lueur chaleureuse est partie de mes orteils jusqu'à mon cœur. J'étais et je suis toujours si fière d'elle !

Mes fils m'ont témoigné leur respect et leurs yeux pétillants m'ont fait comprendre qu'ils appréciaient ce voyage extraordinaire.

Je suis heureuse d'avoir participé à cette aventure avec eux. Eux, mon mari et moi-même avons été comblés.

Re-connect with yourself, go back to your birthplace, eventually dismantle lies,

Re-spect yourself, but also respect your cultures, your countries, and your birth mom before she dies.

Love myself? Love Belgium? Love India? Love your family members instead!

I’m An Sheela, I’m worth existing, I’m blessed.

Sources:

https://www.opgroeien.be/sites/default/files/documenten/20221118-bv1-het-verhogen-van-adoptiesensitiviteit.pdf

https://www.childwelfare.gov/topics/adoption/nam/spread-the-word/graphics/

https://www.daysoftheyear.com/days/adoption-month/

https://blog.adoptuskids.org/finding-my-voice-changing-my-story/

Arbre à racines à Auroville, c'est le plus grand arbre de cette sorte en Inde. - février 2023
Photo de connection à la côte (Chennai) - février 2023
Taj Mahal - février 2023

29. India, my love – part I

Une semaine après mon retour d'Inde....

Ce fut une semaine pleine de travail, de va-et-vient et de mauvais temps. Le retour à l'équilibre s'est étonnamment bien passé.

L'Inde était: fantastique, étonnante, stupéfiante, frivole, colorée, joyeuse, chaleureuse, sale, amicale, généreuse, corrompue, ...

Aucun pays n'est parfait, y compris mon pays d'origine. Mais cela n'enlève rien au fait que je suis toujours amoureuse de l'Inde, et l'amour consiste à prendre ce qui est offert, même ce qui n'est pas si bon. Est-ce que j'accepte tout ? Bien sûr que non, mais j'emporte le meilleur avec moi.

Qu'est-ce qui a rendu ce voyage si spécial?

C'était notre premier voyage en famille. Comme les enfants étaient au cœur de ces vacances, nous n'avons rien planifié à l'avance. Nous avons décidé qu'ils nous aideraient à donner le rythme et à choisir les excursions. C'était très excitant pour moi, car les gens qui me connaissent bien savent que je suis une "miss organisation". Tout doit être préparé dans les moindres détails pour moi, sinon cela ne fonctionnera pas, et c'est ainsi que j'ai pu garder le contrôle de la situation pendant des années.

À notre arrivée à l'aéroport de Zaventem, nous avons appris qu'Aviapartner, le bagagiste, était en grève. Notre voyage commençait déjà avec le premier obstacle. Nous avons réussi à rassurer les enfants et nous nous sommes enregistrés. Le voyage aller s'est par ailleurs bien déroulé, si ce n'est que l'administration des bagages s'est mal passée. Prendre l'avion était nouveau pour mes deux plus jeunes enfants. Le fait que je sois assise entre eux leur a donné un sentiment de sécurité. Je n'avais pas pu expérimenter cette proximité pendant un certain temps en raison de ma crise d'identité.

Lorsque nous sommes arrivés à Chennai, notre patience a de nouveau été mise à l'épreuve lors de la migration. Le plus souvent, la machine à prendre les empreintes digitales ne fonctionnait pas, ce qui n'a pas vraiment permis de raccourcir la file d'attente. Dans la salle chaude et avec nos bagages à main à nos pieds, nous avons bavardé avec un guide touristique. Cela nous a permis de passer le temps. Après la migration, nous avons dû attendre à nouveau pour déclarer nos bagages perdus. Les enfants se sont assis sur les sièges et nous avons essayé d'accélérer la procédure, ce qui n'a pas vraiment été le cas. Une heure plus tard, nous ne pouvions que sortir. Heureusement, nos amis nous attendaient patiemment. Des couronnes de fleurs ont été apportées et placées autour de notre cou. Nous n'aurions pas pu imaginer un plus bel accueil. Les enfants étaient rayonnants et se sont immédiatement sentis accueillis et à l'aise.

Nous sommes partis en jeep pour la maison de notre bonne amie Nandhini. En chemin, nous nous sommes arrêtés pour déjeuner et les enfants ont découvert sur place le premier plat indien typique: le dosa. Ils ont aimé et ont mangé avec leurs mains pour la première fois. Une expérience inoubliable enrichie, nous avons continué notre route. Arrivés à la grande porte, des dames nous attendaient. Avec une lampe à huile et des poudres colorées, elles nous ont accueillis: nous avons été bénis avec cette poudre rouge et jaune. Quel geste chaleureux encore!

Nous nous installons et nous reposons, car nous n'avons pratiquement pas dormi de la nuit dans l'avion.

Après quelques heures, nous nous sommes dirigés vers le centre commercial. J'ai été émerveillée par la splendeur des magasins : Chennai n'est pas si différente de ma ville natale flamande d'Aarschot. Nous avons acheté de quoi passer les premiers jours, car nos bagages étaient restés en Belgique.

Au cours du dîner, nous avons discuté du lendemain. Celui-ci promettait d'être émotionnellement difficile pour moi : une visite sur la tombe du père Suresh, décédé d'un mauvais covidage en 2021. Mon estomac s'est contracté, mes intestins se sont comprimés, le chagrin était encore très palpable. Et les enfants? Ils étaient impatients de venir. Ils ont eu le choix et ont saisi l'occasion. J'étais heureuse de leur choix. Ce grand homme méritait notre bénédiction pour son engagement en faveur de l'éducation des intouchables. Aujourd'hui, Presque 20 ans plus tard, une génération de dalits a été éduquée, ils travaillent souvent dans de meilleures conditions et peuvent ainsi sortir de la pauvreté. Un beau projet qui me tient à cœur, car au fond de moi, je me sens dalit* d'origine.

*Dalit: Le système indien des castes a été officiellement aboli. Il s'agit d'une classification sociale de la population où les dalits font partie des sans-castes, c'est-à-dire qu'ils ont moins de droits ou presque par rapport aux groupes de population classés plus haut qu'eux. Ils ne sont donc pas inclus dans la structure sociale de la population.

Accueil à Chennai (Aéroport)

28. DNA

Après mon dernier voyage, j'avais besoin de temps pour récupérer. Le temps guérit, apporte des conseils et détermine le rythme. Voici mon texte sur ce qui s'est passé pendant les derniers jours avant mon retour en Belgique.

Ma première semaine en Inde a été fantastique. Le fait d'être là avec mon fils m'a apporté un équilibre différent de celui que j'avais pu connaître auparavant. Me sentir sa mère a été magnifiée, mais ma vulnérabilité est également devenue très visible et tangible pour lui.

À la fin de cette première semaine, j'ai rencontré une personne qui m'a orientée vers un politicien de Muzaffarpur et qui m'a fixé un rendez-vous avec lui. Le jour suivant, nous sommes allés chez le "mukhajee". Je m'étais préparé à une conversation aléatoire au cours de laquelle je lui expliquerais pourquoi je cherche ma mère et l'impact de l'adoption. Quand nous sommes arrivés, nous avons été accueillis par une armée de cinq hommes. Surprise mais aussi un peu incertaine, je me suis avancée vers eux avec mon fils et un ami. On nous a proposé des sièges. Bientôt, un homme a commencé à appeler des personnes avec son gsm. Il a prétendu me reconnaître sur ma photo de passeport. Une famille du village aurait perdu une sœur à cause des circonstances pendant la période où j'avais disparu. Avant que je ne le sache, cinq autres hommes se tenaient autour de nous. Ils sont arrivés, à intervalles de 10-15 minutes chaque fois. Je ne savais pas du tout ce que je devais ressentir, penser et encore moins faire. Mon fils aussi vivait la situation dans une confusion totale. La famille m'a invitée à célébrer avec eux la chhath puja, le rituel hindou de l'année dans le Bihar. Comme mes émotions prenaient le dessus, j'ai d'abord accepté, mais j'ai indiqué qu'une nuitée ne serait pas possible. Ce rituel dure normalement trois jours. Après les 5 hommes, une vieille dame s'est également jointe à la fête. Elle avait l'air très ignorante et je n'ai pratiquement ressenti aucune émotion avec elle, comme avec le reste des membres de la famille d'ailleurs. Par la suite, lorsque la glace a été quelque peu brisée, elle a affirmé qu'elle se serait occupée de moi lorsque j'étais un bambin. Je n'ai pas vraiment compris et je me suis laissée guider par les ondes positives qui étaient dans l'air à ce moment-là: une famille indienne qui me reconnaissait et qui voulait m'accueillir ! C'était une expérience incroyable pour moi.

On nous a emmenés dans une belle maison et on nous a servi de la nourriture ainsi que des bouteilles d'eau. Nous étions littéralement portés sur leurs mains. Après le repas, il était temps de se détendre. Une petite pièce avait été dégagée pour nous et nous avons commencé à analyser la situation. J'ai demandé à un ami de la famille indienne de dessiner un arbre généalogique. Les noms des membres de la famille sont sortis sans problème mais les âges ont été littéralement jonglés. Mon fils a attiré mon attention sur ce point et j'ai commencé à avoir des doutes. L'histoire de cette famille a montré que mes parents étaient déjà morts. Je n'ai pas et ne pouvais pas encore considérer cela comme vrai. Finalement, nous avons décidé de rentrer à Patna et de revenir le lendemain pour le rituel.

Sur le chemin de Patna, j'ai craqué, mon fils s'efforçant de me tirer de mon chagrin. Je me suis sentie coupable envers lui, mais aussi complètement perdue. Que devais-je penser de cette situation? J'ai appelé un ami en Belgique qui m'a écouté sans jugement. Ça m'a fait beaucoup de bien. Alors que nous traversions le pont sur le Gange, j'ai dit à mon fils: "Chéri, dans cette quête, je ne suis sûr de rien, mais ce dont je suis sûre, c'est que tu es mon fils, et que je t'aime de façon incommensurable." Ces mots me donnent la chair de poule, même encore aujourd'hui. Ce fleuve la Gange que ma mère a traversé pour me déposer à l’orphelinat de Patna. Le symbolisme, la douleur mais aussi la beauté de l'amour peuvent être si significatifs. Le soir, j'ai décidé de mettre les événements de côté pour un moment, en profitant du dîner et de la compagnie de mes amis.

Le lendemain, nous sommes allés rendre visite à l'ami qui avait donné le numéro du Mukhajee. Pendant la conversation, le "mukhajee" m'a appelé. J'ai relayé l'appel à mon ami et il a compris que la famille était convaincue que j'étais leur sœur disparue. Il n'y avait pas d'autre option que de faire un test ADN. J'ai accepté et mon ami m'a accompagnée les jours suivants : trouver le bon test ADN, persuader la famille de venir au laboratoire, le coût, ... Toute ma deuxième semaine y a été consacrée, car dans la culture indienne les rendez-vous sont souvent reportés, et parce que je voulais revérifier toutes les informations qui me parvenaient... La veille de mon départ pour la maison, nous avons pu recevoir la famille à Patna. Le trajet jusqu'au laboratoire a été désagréable, on ne s’est Presque pas parlé. Sur le chemin du retour, cependant, il y a eu des discussions et même des larmes ont coulé lorsque nous nous sommes dit au revoir. La culture masculine, autrement sérieuse, a maintenant montré une certaine sensibilité. J'ai laissé libre cours à mes émotions, sans savoir si je reverrais cette famille un jour.....

15 novembre 2022. Je me réveille avec le nez bouché, la gorge sèche et un mal de tête. Aller au travail n'est pas possible aujourd'hui. Je ne me sens vraiment pas bien dans ma peau, et ça ne m'arrive pas souvent. Les microbes présents dans mon corps y sont évidemment pour quelque chose. Mais il y a aussi un malaise. La première fois depuis que je suis rentré de deux semaines en Inde. L'agitation, pour quoi exactement ?

Vers 8 heures du matin, je reçois un courriel, de l'Inde! Tout à coup, je suis bien réveillé et je me concentre sur la lecture du contenu. Mon cœur bat déjà à tout rompre et pendant un moment, je ne sens pas non plus mon mal de gorge. Ma tête est en train d'exploser. Les chiffres dansent devant mes yeux. Et mes yeux se déplacent en diagonale sur le document: fratrie, analyse, ADN... Soudain, mes yeux se posent sur les mots "An Jacobs et N. sont apparentés en tant que frères et sœurs". Whouah! Mon corps s'emballe, et mes intestins se contractent. Je pleure de bonheur: youpie! J'ai trouvé ma famille! Je ferme les yeux, et je me laisse flotter dans mon petit monde, l'Inde ensoleillée, Muzaffarpur, les litchis, la rivière Gandak, ... Mes larmes coulent sur mes joues.....

Quelques instants plus tard, un anti-climax s'empare de moi lorsque je me réprimande et me force à lire l'ensemble du document avec calme et attention. Je regarde attentivement les chiffres, qui ne me disent pas grand-chose pour l'instant. Puis j'arrive à la conclusion et je lis la phrase complète avec consternation: "Ce cas a été évalué pour fournir la preuve que An Jacobs et N. sont apparentés en tant que frères et sœurs". Une confusion totale m'envahit. Je continue à lire et je me rends compte que le test ADN est négatif. Mon euphorie est remplacé par un bouleversement total. Entre-temps, mon mari est rentré et je lui communique l'information. Il confirme qu'il n'y a aucun lien avec la personne qui a effectué le test ADN en Inde. Mon chagrin est indescriptible. Pourtant, mon amant me tire du gouffre. De lui, je sais qu'il est et sera toujours là pour moi. Sa vision rationnelle est la bienvenue ici pour un moment. Je ferme mon ordinateur et je descends. Nous prenons le petit-déjeuner ensemble et je vide mon bol de flocons d'avoine chauds. Ma tasse de thé, je la bois à petites gorgées. Mon regard se fixe au loin, dans le néant. Cela me rappelle ma photo de couverture sur Facebook. Moi, petite bambin, nouvellement arrivée en Belgique, regardant anxieusement devant elle, complètement déprimée et ne comprenant pas ce qui va se passer. Même maintenant, pendant un moment, je ne sais pas quelle sera la prochaine étape. Je décide de ne rien faire aujourd'hui. Et de laisser tout être pour un moment....

Quelque part, entre Muzaffarpur et Patna

27. Ludos & échelles

3/11/2022

Hier, nous avons rendu visite à mon ami brahmane et sa femme. Je voulais leur dire au revoir avant de reprendre l'avion pour la Belgique. En chemin, la voiture de mon autre ami est tombée en panne. Le moteur a calé. Heureusement, nous n'étions pas sur un carrefour très fréquenté, mais quand même. Les klaxons des conducteurs derrière nous ne s'arrêtaient pas. Phineas et moi avons littéralement poussé la voiture sur le côté. C'était une aventure en soi. Ça m'a rappelé le trajet en voiture vers Muzaffarpur samedi dernier. Sur le chemin, nous avions été arrêtés par des hommes. Le conducteur avait dû s'arrêter. Notre chauffeur était sorti et après 10 minutes de discussion, je ne comprenais toujours pas ce qu’il se passait. J'ai quitté la voiture avec Phineas et nous avons rejoint les hommes en train de discuter. Là, nous avons enfin compris de quoi il s'agissait. La société pour laquelle travaille notre chauffeur n'avait pas payé la dernière tranche du prêt (de la voiture). J'ai demandé comment ils pouvaient vérifier cela. Il s'avère donc qu'il existe une application sur les smartphones des contrôleurs. Ils scannent un code spécial sur la plaque d'immatriculation de la voiture, qui leur donne accès à la base de données des prêts. J'étais abasourdie par le fait que ce système, aussi moderne soit-il, existait dans une ville défavorisée comme Muzaffarpur. Quoi qu'il en soit, j'avais encore appris quelque chose.

Revenons à la panne de la voiture de mes amis. Après avoir écarté la voiture en toute sécurité, ma camarade est allé au magasin. Elle est revenue avec une bouteille d'eau. Qu'est-ce qu'ils allaient faire avec ça? Eh bien oui, en Inde, c'est simple: le liquide du radiateur s'était épuisé, alors on ajoute un peu d'eau, on attend 10 minutes et presto, on est reparti. Phineas a trouvé que c'était une aventure fantastique. Il ne l'oubliera pas de sitôt.

Chez nos amis brahmanes, nous avons été chaleureusement accueillis et on nous a servi un plat typiquement hindou dont j'ai déjà oublié le nom. Il avait une saveur fraîche mais en même temps sucrée, salée et épicée. Bref, une explosion de saveurs a envahi ma bouche. J'ai adoré, pour Phineas c'était malheureusement trop épicé. Pour le dessert, nous avons eu les très connus jalebis, un délice et une fête pour mes papilles. J’en profite à fond, vraiment.

Un appel téléphonique important interrompt notre moment de convivialité. Les plans pour le lendemain tombent à l'eau. Je suis au plus bas. Mon ami me calme en disant qu'il y aura une autre chance le jour suivant. Je m'accroche à cette paille. Nous parlons après, et la conversation prend une tournure différente. Nous sortons également un jeu de société: les ludos et les échelles. Ça ne pourrait pas être plus approprié. Un jeu de hasard dans lequel on est renvoyé au départ par un serpent, c'est ce que je ressens dans ma quête aujourd'hui. La métaphore me plaît. Après le match, je retrouve un peu de courage. Nous décidons de passer la nuit avec cette famille, car se déplacer dans l'obscurité, sans guide supplémentaire, n'est pas quelque chose que nos amis apprécient. Apparemment, la sécurité reste un problème. Pourtant, j'ai le sentiment que nous avons déjà entrepris plus de choses que lors de mon dernier voyage. Pendant notre séjour actuel, par exemple, nous nous sommes déjà promenés sur le marché le soir, alors que cela serait plus difficile avec une personne à peau claire en notre compagnie.

La nuit chez notre famille brahmane est très reposante, pour une fois pas de musique à fond dans notre chambre. Je dors comme une rose jusqu'à 9h30 du matin, me sentant un peu timide. Nous prenons un petit-déjeuner tardif, jouons aux échecs, discutons ensemble de la culture hindoue et planifions la journée du lendemain. A cause du déjeuner tardif, nous ne mangeons pas avant 14h30. Après avoir mangé nous prenons un taxi pour retourner chez mon amie. Je la rassure en lui disant que tout est sous contrôle. Le soir, nous nous promenons ensemble sur le marché, avec Phineas qui nous emboîte le pas.

Nous prenons notre temps, essayons d'évacuer les frustrations et de nous concentrer sur le slogan de mon ami: "Don’t worry, be happy!” Nous mettons tout en œuvre pour notre recherche, ce n'est pas facile parfois, mais nous espérons que tout va s'arranger....

Anty – partie 2

Je descends du véhicule suivi de près par le chauffeur. Je salue les trois hommes en disant: “Namaste, happy chhath puja”. On tend une chaise à chacun d’entre nous. Nous nous installons en forme de demi-cercle sous l’arbre à litchis. Le ‘guru’ du village, un homme avec une très grande moustache, prend la parole en premier, il commence la réunion avec une prière dédiée au soleil. Je me laisse emporter par l’atmosphère que dégage ce rituel et je sens qu’une espèce de chaleur m’envahit. Cette chaleur part des mes orteils et au fur et à mesure de la prière, se répand à travers tout mon corps. Soudain, je sens une sensation de brûlure au niveau de ma cuisse gauche, à cet endroit se trouve une cicatrice. Je la dois à un vaccin que j’ai reçu en Inde quand j’étais encore qu’une petite fille. Cette douleur, je la sens aussi sur mon bras droit, c’est à cet endroit que je me suis brûlée en sortant le pain du four. Je me demande ce qu’il se passe. Un deuxième homme se met à réciter des mantras sans s’arrêter tandis qu’un troisième frappe un gong énorme. C’est comme si j’étais en train de m’endormir, les mots n’arrivent plus à sortir de ma bouche. J’ai l’impression de planer.

Mijn moeder en ik zijn onderweg. Ik zie een paardenkop op en neer bewegen en hoor het dof geluid van de hoeven die op het zand neerkomen. Ik lig in de armen van mijn moeder en kan net piepen over haar arm. Ik vang een glimp op van water en in de verte zie ik de schoorsteenpijp in het landschap, zo eentje van een baksteenfabriek. Ik wieg mee met het ritme van de kar. Mijn moeder fluistert in mijn oor dat ze van me houdt. Ik kruip dicht tegen haar aan. En voordat ik het weet vallen mijn ogen dicht.  In mijn droom zie ik mijn vader, al dansend in de laadbak van een vrachtwagen, hevig roepend op het ritme van de chhath puja muziek. Plots kantelt het voertuig. De muziek stopt abrupt en mijn ogen zoeken angstig naar mijn vader. Er komt geen beweging. Het beeld vervaagt en ik word wakker. Ik huil en mijn moeder sust me. Haar stem heeft een kalmerende werking op mijn ganse systeem. Mijn blik gaat naar het meisje naast haar. Ze lijkt op me.

“Anty, Anty! Pourquoi tu pleures autant?”. J’essaie de me coller le plus possible à elle et je lui chuchote que je l’aime et qu’elle est en sécurité avec moi. Heureusement, elle s’endort en un instant. Laksmi est assise à côté de moi, elle joue avec un bâton. Je la tiens à l'œil. Un homme avec une peau blanche nous frôle avec son vélo. J’en avais déjà entendu parler mais je n’en avais jamais vu. Qu’est ce qu’un homme blanc venait faire ici, en plein milieu de la campagne indienne? Nous nous arrêtons à quelques lieues de là, je descends et rejoins une petite forêt avec mes enfants. Après avoir passé un bon moment avec mes deux filles, je ressors du bois et j’ai l’impression d’être observée. En effet, à la sortie du bois se tient l’homme que nous avions croisé plus tôt. Il me fixe et je me sens mal à l’aise. Il m’adresse la parole en Hindi: “Vous voyagez seule avec vos deux enfants?”. Je fais mine de ne pas avoir entendu sa question et, déterminée, me dirige vers la charrette. Malgré cette détermination je sens une main agripper mon bras. Il continue: “Je peux vous aider, je peux vous protéger". Je fonds en larmes, c’est trop pour moi. Je lui explique que je fuis la maison pour sauver mes enfants.

Cette belle femme qui porte un saree vert avec des bordures jaunes attire mon attention. Elle est assise dans une charrette tirée par un cheval. Pendant que je la regarde, je frôle le cheval, je suis déstabilisé mais j’arrive tout de même à reprendre mon équilibre d’un coup de guidon. Je continue et décide de m’arrêter 2km plus loin pour boire un verre. Je m’installe dans un petit salon de thé et profite de la savoureuse boisson que j’ai commandée. J’aperçois le cheval qui m’avait déstabilisé 2km plus tôt. Les passagers de la charrette descendent et je vois la dame au sari vert tenant un bébé dans ses bras. Une petite fille marchait à côté d’elle. Elle disparaît, je termine mon thé et curieux comme je suis, je décide d’aller voir où elle est passée. Elle réapparait comme elle avait disparu. Qu’elle est belle. Je me demande si je devrais lui adresser la parole. Je suis tenté…

Anty  – 1

Pour des raisons personnelles, j'ai écrit cette fois une histoire basée sur des faits réels et sur la fiction.

Anty ouvre un œil, puis l'autre. La musique envahit ses oreilles. Elle se frotte les yeux et secoue la tête. Elle s'étire. Elle n'a pas vraiment envie de se lever seulement, elle a un rendez-vous important aujourd’hui. Elle se hisse hors du lit, se rafraîchit et s'habille.

En bas, elle savoure un bon petit-déjeuner: idli avec une sauce aux légumes. Il n'y a pas de viande pour le moment, le festival interdisant cette nourriture pendant plusieurs jours. Elle sirote un chai masala, le traditionnel thé indien. Ensuite, elle se brosse soigneusement les dents et, le gout de menthe encore en bouche, se dirige vers la voiture qu’elle avait louée la veille. Anty s'installe confortablement dans celle-ci, des petites bêtes grouille à ses pieds. Elle a soudainement envie d’être comme elles, le plus petit possible. Après une demi-heure de route, son téléphone sonne. La personne à l'autre bout du fil l'exhorte à accélérer, car la réunion ne sera pas organisée une deuxième fois. Un goût nauséabond envahit sa bouche, il ne reste rien de la saveur de la menthe. Elle avale, espérant obtenir un goût plus neutre dans la bouche. Elle y parvient à peine. Elle se concentre alors sur autre chose: l’environnement. Elle regarde par la fenêtre et observe le paysage qui défile devant elle. La vallée verte de la rivière sacrée la fait rêver. Elle rêve de son passé:

Allongée dans les doux bras de ma mère , je sens sa main qui carresse ma joue. Je me sens en sécurité près de sa poitrine. En me tortillant lourdement, j'essaie de déplacer ma bouche vers son sein, quand je trouve son mamelon, j'aspire son lait maternel à grands coups. Me sentant comblé, je m'endors sur ses genoux. Je dors paisiblement et ne remarque pas qu'elle m'a allongée sur un tapis en osier sur le sol.

Que diable suis-je censé faire? Ce mal de tête incesssant me rend folle. Je vais aux toilettes et je remplace les chiffons qui sont censés arrêter le saignement. La douleur dans le bas du ventre est insupportable. Les effets de l'accouchement se font encore sentir. Ma petite fille, elle est venue au monde hier. Pourquoi fallait-il que mon enfant soit une fille? Tout au long de ma grossesse, je n’ai cessé de prier pour que ça soit un garçon. Pourtant, je suis connectée à ma petite princesse, elle est si belle, si parfaite. Elle est mon petit miracle, mon tout. Bien que le père de ma fille ne soit pas heureux de sa naissance, je me suis battue avec acharnement pour la garder. Je vis cachée chez une amie à quelques villages d’où vit mon mari. Elle nous protège, moi et ma chère Anty. Je retourne à la cabane qui me sert de maison provisoire, et me blottis aux côtés d'Anty allongée sur le tapis. Il n'y a pas beaucoup de temps pour se reposer.

Plusieurs jours passent, et j'essaie de me concentrer sur le soin de ma fille. Elle grandit lentement mais ses yeux sombres brillent. Un jour, je remarque qu'elle essaie de sourire. Je lui rends son sourire. Mon lien avec elle est étroit et se resserre de jour en jour. Et si je m'enfuyais avec elle?

Anty est catapultée dans le présent par une violente secousse. Elle est écrasée contre son siège après un brusque coup de frein du conducteur. Son cœur fait un bond et bat encore à cause du choc. Anxieuse, elle regarde à travers le pare-brise et remarque un motocycliste allongé sur le sol. Des cris et des hurlements se font entendre, malheureusement dans une langue qu'elle ne connaît pas. Les passants le relèvent et, après quelques tapes sur l'épaule, il remonte sur son deux-roues et s'en va. Le chauffeur poursuit sa route jusqu'à ce qu'un grand bâtiment blanc, entouré de palmiers et de litchis, se dessine. Des hommes nous attendent à côté d'une grosse jeep noire.

A suivre.

24. To push or not to push

5e jour: mercredi 26 octobre 2022

Ce matin, nous nous sommes levés à l'aube. Au cours de ces derniers jours, nous avons fait beaucoup de choses, mais nous avons très peu bougé. Taxi Sunil était toujours prêt. À 4 heures du matin, nous étions assis en bas, attendant notre bon ami et camarade de Phineas, Falak. Nous partons une heure plus tard que prévu, cela devient une habitude. Pourtant, à cette heure matinale, nous trouvons cela plus dérangeant.

Nous traversons le quartier en passant devant des cabanes délabrées. Nous devons également faire attention où nous posons nos pieds, en nous déplaçant parmi les déchets, les chiens et les vaches. Pourtant, l'odeur n'est pas trop mauvaise. Soit nos nez ne sont pas si sensibles dans ce pays. Avec moi, cela jouera certainement un rôle. Les temples s'ouvrent progressivement et la musique retentit dans les haut-parleurs. Dans cette ambiance, nous nous rendons à pied à l'éco-parc. En chemin, nous restons le plus possible sur le côté de la rue, car les trottoirs, eh bien, il y en a rarement, et s'il y en a, il y a des cabanes, des étals ou des voitures qui prennent toute la place. Ce qui me frappe cette fois, c'est que mon anxiété d'avant a sérieusement diminué. Je peux mieux me faufiler entre les véhicules (seulement pour traverser, il est vrai). Dans l'éco-parc, nous pouvons nous détendre un moment. Nous jouons une partie de badminton jusqu'à ce que les gardes nous chassent de la pelouse parce que nous devons jouer sans chaussures.

Nous revenons sur nos pas et atteignons les 5 km, une distance que j'ai rarement parcourue à pied en Inde. Nous sommes fiers de cette réalisation, d'autant plus qu'en termes d'infrastructures sportives, Patna est dans un triste état. Quiconque veut se déplacer doit sauter sur un vélo, mais c’est le meilleur moyen d’avoir un accident dans cette ville surpeuplée. Du coup, la plupart des personnes qui veulent faire du sport le font le matin à l'aube. On peut apercevoir les premiers rayons du soleil. C’est également le moment où les Indiens les plus courageux commencent leur journée. En rentrant, on prend le petit-déjeuner et on retourne dans notre lit. On fait la grasse matinée jusqu'à midi. Dans l'après-midi, l'estomac plein, nous partons pour le centre commercial où, lors du voyage précédent, j'étais malade comme un chien et quittais à peine la cuvette des toilettes. Contrairement au voyage précédent, je peux me promener parmi les boutiques et les magnifiques éclairages pour célébrer diwali. Phineas et Falak plongent dans le luna park, et on ne les revoit pas pendant une heure. Pendant ce temps, je rejoins Sunil pour le thé. Nous entamons une conversation constructive sur ma quête. Je suis heureuse car je sens que je peux l'atteindre cette fois-ci. Nous convenons que nous essaierons d'atteindre les médias par l'intermédiaire de ses amis. Ma connaissance brahmane me soutient également et à la fin de la journée, les deux amis me promettent que je pourrai parler à un journaliste le lendemain.

Jour 6 : jeudi 27 octobre 2022

Ce matin, je sors avec Sunil. Les garçons vont au zoo. Je rencontre plusieurs amis de Sunil. Ce sont tous des gens charmants, mais qui doutent de la nécessité de nous aider. Après les 2 visites, nous retournons à notre demeure. Un journaliste passe par là, mais disparaît aussi vite qu'il est apparu. J'ai à peine réussi à lui dire quelque chose. Il va demander à son patron si ma recherche vaut la peine d'être publiée car les festivals attirent toute l’attention. Aujourd'hui est le “jour du stylo”, aucun journaliste ne travaille aujourd'hui parce qu'ils ne sont pas autorisés à tenir un stylo. En d'autres termes, ils ont un jour de congé. Je suis arrivée à cette conclusion après la visite éclaire du journaliste ce matin.

À midi, nous passons dans un service administratif : le SDO, le Subdivisional Officer. Cet homme nous reçoit chaleureusement et il est tout de suite emballé par mon histoire. Il estime que le lien du sang ne doit pas être sous-estimé, et il a raison! Depuis que j'ai posé le pied en Inde, je n'ai pas souffert de jambes lourdes, ni de douleurs dans le bas du dos. Je ne sais pas quel médecin peut donner une explication sérieuse ici. L’administrateur est très clair : il va essayer de vérifier la liste des 5 Anilas, mais ce sera un travail difficile car il n'y a pas d'empreintes digitales disponibles de ces personnes. En outre, il n'était pas d'usage en Inde, dans les années 80, de s'enregistrer. En bref, il s'agira de chercher une aiguille dans une botte de foin. Je ne lâche pas. Je le pousse à partager les flyers qui mènent vers ma vidéo.

Je dis que sans essayer ,il n’y aura pas de résultats. Il nous donne un autre conseil: vérifiez auprès du bureau d'aide sociale et contactez l'unité de protection de l'enfance de la direction adjointe. Les anciennes listes pourraient encore être conservées, même si les chances sont minces. Avec Sunil, je fais mes adieux à cet homme qui a accepté de nous aider. Au bout d’un moment, c’est trop pour moi , mes larmes coulent en quittant le bâtiment. Pourquoi tout cela doit être aussi difficile? Pourquoi l'Inde ne pouvait-elle pas mieux gérer son administration? Pourquoi est-ce que je dois mettre autant d'énergie là-dedans? J'ai l'impression d'avoir à peine progressé. Je me ressaisis et nous filons (à l'indienne) vers la prochaine adresse: le Patna Collectorate. La personne en question est absente. Déterminée, je dis à Sunil que nous y retournerons le jour suivant. Pour terminer la journée, nous rendons visite à un troisième ami. Là, nous essayons de savoir s'il y a une possibilité de passer à la télévision de l’État. Vous voulez en savoir plus? Alors lisez mon prochain blog!

PS: Dans ce blog, les noms sont fictifs

23. Lucky II

Mardi 25 octobre 2022 - quatrième jour

C'était très spécial de pouvoir célébrer Diwali en Inde. Jamais je n'aurais pensé que le lien avec mon pays d'origine pouvait être aussi étroit. Les lampes à huile illuminent les maisons et créent de la chaleur. Nous avons eu la chance de célébrer Diwali avec une famille de brahmanes, qui appartiennent à la caste la plus élevée de la communauté indienne. Je me remémore la puja (rituel) à laquelle j'ai pu assister. Aujourd'hui, Diwali est toujours présent, en arrière-plan les feux d'artifice continuent et continueront à éclater, probablement pendant toute la semaine et surtout le soir. Phineas s'interroge à juste titre sur les règles de sécurité et découvre qu'il n'y en a pas. Nous gardons donc une distance de sécurité avec ceux-ci, mais nous profitons de la vue depuis le balcon. La musique et les chants indiens complètent cette atmosphère particulière.

Ce matin, nous étions censés partir pour la ville de Patna à 8 heures. Notre départ a été retardé comme d'habitude, et ce n'était pas à cause de nous. Heureusement, nous avons tout de même atteint notre destination dans le délai prévu. Nous avons été reçus par la soeur principale, chef de l’orphelinat. Nous avons commencé la tournée ensemble. Les retrouvailles avec Manju, une dame aveugle que j'ai rencontrée ici en 2003, ont été émouvantes. Elle a chanté sa belle chanson de bienvenue, j'ai la chair de poule à chaque fois et cette fois-ci n'est pas différente. Elle est si heureuse de m'entendre et je lui fais un gros câlin. Je lui présente Phineas et, pour lui donner une idée de sa taille, je lui fais toucher l'endroit où s'étend son abondante chevelure. Elle sourit largement, c'est un moment attachant. Kiran, l'amie aveugle de Manju, est tout aussi enthousiaste. Parfois, on n'a pas besoin de mots, les sentiments parlent d'eux-mêmes. Nous saluons toutes les dames du groupe. Chacune d'entre elles a un problème physique ou/et mental. Difficile à voir, mais réconfortant de voir comment ces personnes nous approchent avec une humanité abondante. Pendant ce temps là, la soeur principale disparaît sans que je m'en aperçoive.

Nous nous dirigeons vers l'autre partie du bâtiment, et Phineas rencontre les enfants. Ces enfants handicapés reçoivent les soins nécessaires, comme la physiothérapie, et sont motivés pour maintenir certains mouvements. Une jeune fille hyperkinétique doit rester à côté d'une soeur sous peine de s'enfuir. Nous prenons les escaliers jusqu'au premier étage. Quand j'arrive dans le couloir, j'aperçois Lucky. Elle ne me reconnaît pas au début, mais quand elle s'approche, tout se passe soudainement très vite. Avant que je ne le réalise, nous tombons dans les bras l'une de l'autre en pleurant. Encore une fois, aucun mot n'est nécessaire. Il y a six mois, nous avons partagé les mêmes émotions profondes, et aujourd'hui je ne peux que confirmer que le temps n'adoucit pas les émotions. Ma partie d’enfant en moi se complaît dans cette attention et Lucky aussi apprécie nos retrouvailles. Phineas observe la scène de loin et trouve également que c'est un moment spécial. Dans la salle à manger, nous saluons également toutes les autres femmes adultes, toutes des dames souffrant de problèmes mentaux. Je leur présente Phineas. Je le présente également à Lucky. Elle le prend dans ses bras et il se sent en sécurité. Puis Lucky se blottit contre moi et, les mains entrelacées, nous profitons des chansons et des danses qui nous sont apportées par les amies de Lucky. Je lui demande discrètement si elle se souvient de quelque chose concernant ma mère, mais la réponse est négative. J'essaie de repousser ma tristesse et de me concentrer sur la présence de Lucky, celle qui a pris soin de moi et qui jouait avec moi lorsque j'étais enfant à l'orphelinat. Cela reste un lien que je porterai dans mon cœur pour le reste de ma vie, même si elle ne peut pas remplir cette partie vide de mon cœur.

Pendant le repas du midi, j'aide à servir les patientes et je regarde Lucky s'occuper de ses amies qui ne peuvent pas manger par eux-mêmes. La bienveillance en elle est toujours là. Ce qu'elle a fait pour moi il y a une quarantaine d’année, elle le fait maintenant pour les membres adultes de son groupe. Cette observation me rassure en partie. C’est beau de voir que même si ces femmes ont des problèmes mentaux/physiques, elle se laissent guider par leurs émotions. Je retiens cela et l'associe inconsciemment à ma famille indienne : ma mère ici sera également connectée à moi, que je la trouve ou non.

Après le dîner, nous partons car Harry, mon ami et chauffeur, veut aller au prochain endroit. Nous disons au revoir à la soeur principale qui réapparaît à la dernière minute, je n'ai même pas le temps de poser mes questions. Je suis décidée à la rappeler.

Nous visitons le temple sikh Gurudwara. Sur le chemin du retour, Phineas se rend compte que l'Inde n'est pas tout à fait positive après tout. Dans le débriefing, il m’indique qu'il ne pourrait pas vivre ici. Je dis très franchement que moi, je n'aurais aucun problème pour vivre en Inde, mais bien sûr je ne le ferai pas car ma famille est ma priorité et mon travail et mes amis sont en Belgique. Je le rassure en lui disant que, bien sûr, je comprends aussi ses sentiments, car il n'est pas né ici.

Je passe encore quelques coups de fil pour continuer ma quête. Le rythme est différent de celui du voyage précédent, et ce parce que j'ai aussi envie de donner à mon fils toute l'attention qu'il mérite.

A suivre...

22. Phi-You et Shee-Me

Nous sommes le lundi 24 octobre, l'un des jours les plus importants de l'année pour la communauté hindoue en Inde. Ce jour si important c’est la fête de la lumière, nous sommes plongés dans une atmosphere lumineuse. Et la musique indienne rend la fête encore plus belle. Cette journée promet d'être magique.

Pour raconter les choses un peu dans l'ordre, je vais commencer ici par un récapitulatif de nos premiers jours de voyage.

Premier jour: Samedi 22 octobre 2022
Le premier vol se déroule sans problème. Nous attendons ensuite notre correspondance pour l'Inde à London Heathrow. Contrairement à mon dernier voyage en avril, tout se passe comme prévu et nous arrivons à l'aéroport de New Delhi à l'heure. Dans la capitale, nous sommes obligés de passer la nuit à l'aéroport. Cela ne valait pas la peine de réserver un hôtel juste pour dormir dans un lit douillet pendant quelques heures. Nous constatons que même dans un terminal presque vide, tous les lits sont occupés. Nous passons la nuit à glander sans but sur nos smartphones.

Deuxième jour: Dimanche, le 23 octobre 2022
Après une longue nuit, nous sommes soulagés de nous installer dans l'avion. Nous dormons pendant le voyage. Quand le dîner est servi, l'hôtesse de l'air doit nous réveiller.

Alors que l'avion amorce sa descente, mes larmes coulent automatiquement sur mes joues. La main de Phineas caresse mon bras. Je sens l’enfant qui est resté en moi, les larmes viennent de lui. Il a le droit d'être là, même de la part de mon fils. Un grand soulagement pour moi....

En posant le pied sur le sol indien, je me sens comme chez moi. Mon cœur fait un bond de joie quand je constate avec quelle souplesse mon fils s'adapte ici. Le choc culturel redouté n’est finalement qu’un détail. Il résume son premier contact avec l'Inde comme suit: apaisant et fascinant. Le mot "apaisant" me surprend et il explique que le fait de se sentir chez lui en Inde l'apaise. Il ajoute que la pauvreté l'affecte mais qu'il laisse de côté ses sentiments. Pourquoi fait-il ça? Parce qu'il a compris qu'en tant que personne, il ne peut offrir une solution directe à ce problème. De cette façon, la situation reste supportable pour lui. La cerise sur le gâteau, pour moi en tant que maman, c’est quand il me dit qu'il veut porter une kurta. Nous allons immédiatemment au plus grand centre commercial de la ville, ouvert depuis à peine une semaine. Mon fils choisit deux belles tenues, avec celles-ci, il ressemble à un prince indien. Mon rêve de franchir ces étapes avec lui devient une réalité. Pour moi, il est important qu'il choisisse ce qu'il considère comme important. Les décisions qu'il prend pour s'intégrer montrent une certaine force. Je suis fière d'être la maman de cet adorable garçon.

Le soir, nous parlons de la journée, des impressions, des sentiments. Qu'est-ce qui était amusant? Qu'est-ce qui était difficile? Qu'est-ce qui est fascinant? Des questions qui reviendront à plusieurs reprises pendant ce voyage. Cela nous enrichit tous les deux. Je me demande ce que le reste du séjour va nous apporter.

Troisième jour : Lundi, le 24 octobre 2022
Aujourd'hui, nous prenons notre temps pour célébrer diwali* à la manière indienne. Phi-You et Shee- Me, Phineas et Sheela, fils et maman, you and me. Nos expériences ont déjà un effet unificateur. On se demande ce que le reste de la semaine va nous apporter... On se fait réveiller dès 6h30 par les explosions des pétards et des feux d’artifice. Nous entendons ces explosions toute la journée.

*Diwali : la fête des lumières; une fête hindoue célébrant le retour du Dieu Rama, qui rentre chez lui après 14 ans d'exil dans la forêt. Les maisons sont éclairées par des lampes à huile. L'atmosphère est magique.

Sheela (avec son fils de 16 ans, Phineas)

1 2 3 4 5